LE QUOTIDIEN : Quels sont les principaux enseignements de ce sondage sur le vote des médecins ? Êtes-vous surpris ?
PATRICK HASSENTEUFEL : Il y a deux confirmations. La première, c’est l’importance du vote Macron chez les médecins, qui s’est renforcée. Elle était déjà sensible en 2017, et plus encore lors des élections européennes en 2019. Autre confirmation : la différence qui reste relativement marquée entre médecins libéraux et hospitaliers. Ces derniers votent plus à gauche. C’est frappant pour le vote Jadot, pour lequel on observe une nette différence. Il y a en revanche davantage de votes Pécresse et Zemmour chez les libéraux.
Mais c’est la percée du vote Zemmour qui est la plus surprenante car, historiquement, le vote Le Pen a toujours été faible chez les médecins, en tout cas beaucoup plus faible comparativement à la population générale (autour de 5 %, voire moins). Le vote Zemmour est beaucoup plus élevé, notamment parmi les libéraux : 16 % au premier tour de la présidentielle et 15 % aux législatives pour Reconquête.
Comment expliquez-vous cette percée ?
Je ne vois pas de lien direct avec les enjeux spécifiques à la santé. Cela montre surtout qu’il y a une différence entre l’électorat Le Pen et Zemmour, pour lequel il s’agit clairement d’un électorat de « catégories supérieures », d’une droite radicalisée qui ne vote pas Le Pen. Éric Zemmour est davantage perçu comme très conservateur que d’extrême droite, alors qu’il l’est encore plus que Le Pen sur certains aspects ! Cela explique aussi que Pécresse ait beaucoup perdu, à sa gauche avec Macron, et à sa droite avec Zemmour.
Quelles sont les causes de l'engouement pour la candidature Macron ?
Il semble principalement lié à la politique de santé menée. Quand on analyse le bilan perçu d’Olivier Véran, celui-ci est à quasiment à 60 % d’opinions favorables, ce qui est très élevé. En 2019, le bilan d’Agnès Buzyn était jugé positif avec 50 % d’opinions favorables. Le bilan semble un peu plus compter que les programmes qui ne sont pas très différenciés et assez peu clivés. À cet égard, la gestion de la crise sanitaire a sans doute joué car Véran était en première ligne. La politique de santé a été très marquée par la crise. Or, la majorité des répondants disent que c’est par rapport à cela qu’ils vont se positionner. Du point de vue plus sociologique, on voit que l’électorat Macron s'étend du centre gauche à la droite classique. Ce qui est frappant, c’est que les médecins libéraux ne votent plus du tout pour la « gauche de gouvernement » (PS ou EELV) qui représentait 30 % de leur vote en 2012, et encore 8 % en 2017. Cela montre bien que Macron a capté une partie de l’électorat social-démocrate.
Mais pourquoi de si faibles intentions de vote pour Valérie Pécresse ?
Chez les médecins libéraux, avec 20 % d'intentions de vote pour Pécresse, on est nettement en dessous de François Fillon en 2017 (37 %) et même de François-Xavier Bellamy (29 %) aux européennes de 2019. Il y a un décrochage depuis 2017. À l’époque, Emmanuel Macron avait encore l’image de quelqu’un venant de la gauche, car il était ministre sous Hollande. Mais la politique de droite menée durant son mandat fait qu’il représente aujourd’hui le centre droit, la droite libérale. Valérie Pécresse est pourtant la seule à proposer clairement une augmentation de la consultation des généralistes [à 30 euros, NDLR], ce qui aurait pu séduire les médecins libéraux. Mais cela ne semble pas produire d’effet électoral.
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