LE QUOTIDIEN : Comment qualifieriez-vous la crise actuelle ?
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY : C’est une épidémie qui n’arrive, heureusement, que très rarement. Il faut la prendre au sérieux car cette catastrophe sanitaire engendre des saturations de lits en réanimation et demande une adaptation quotidienne de l’organisation de notre système de santé.
Le gouvernement a-t-il tardé à prendre des décisions comme la commande de masques ?
L'heure n’est pas à la polémique. En période de guerre, il faut l'unité nationale, aider le gouvernement et aller de l’avant. Si on a des avis à donner, il faut le faire sans jamais polémiquer. Je pense par exemple qu’il faut dépister systématiquement, et en priorité, toutes les personnes qui entrent dans les EHPAD pour éviter les contaminations au Covid-19. Cette décision doit être prise rapidement, le gouvernement est en train de le faire.
S'il fallait changer quelque chose à la stratégie actuelle, ce serait quoi ?
Avec une telle crise, on voit bien qu’il faut une meilleure anticipation des catastrophes sanitaires, qu’elles soient d’ordre viral, bactérien ou bioterroriste. Notre pays doit mieux se préparer avec un plan quinquennal à réactualiser. Ce plan devra prévoir les actions à mener dans tous les domaines, la prévention, l’organisation sanitaire, les recherches cliniques mais aussi la distribution des moyens de protection.
La capacité d'intervention du ministère de la Santé en cas de crise s'est-elle améliorée ?
Oui, absolument. Elle s’est même fortement améliorée grâce notamment à Santé publique France. C'est une formidable agence qui, tirant les leçons du SRAS en 2002/2003, a su réagir rapidement au début de l’épidémie. Elle a su par exemple repérer les cinq premières personnes contaminées aux Contamines-Montjoie, en Haute-Savoie. Elles ont été immédiatement adressées dans des hôpitaux de référence à Lyon, à Saint-Étienne, à Grenoble. Ensuite, on s'est aperçu qu'elles avaient discuté avec six personnes de près. Celles-là ont été hospitalisées également. Cela a permis au système sanitaire d’anticiper et d'éviter d'entrer avec du retard dans l’épidémie.
L’utilisation de la chloroquine divise la communauté médicale. Qu'en pensez-vous en tant médecin ?
Il faut laisser aux médecins leur libre arbitre et leur capacité de prescrire ou non ce médicament. La chloroquine est utilisée depuis plus de 50 ans. Je ne comprends pas pourquoi elle n’est recommandée qu’aux malades souffrant de formes sévères du Covid-19, au moment où ce médicament ne peut pas agir efficacement. La chloroquine doit être donnée au début de la maladie.
Avez-vous des regrets sur votre gestion de l'après canicule et du sida ?
J’ai succédé en 2004 à Jean-François Mattei et nous avons mis en place un grand plan canicule qui a permis d’éviter les mortalités pendant les épisodes caniculaires.
En 1993, pour mon premier poste en tant ministre de la Santé, l’épidémie de sida a explosé. Je suis fier d’avoir été le ministre qui a créé 5 000 places de méthadone pour les héroïnomanes, ce qui était une révolution à l’époque. Nous avions fait aussi les campagnes de préservatifs à 1 franc pour les jeunes et des opérations d’échange de seringues. On peut toujours faire mieux, la satisfaction béate est un ennemi.
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