Contactés au moment de l’annonce du Prix Nobel, chacun des trois lauréats a réagi à sa façon et exprimé en quelques phrases spontanées l’émotion dégagée par l’aboutissement de dizaines d’années passées à plancher en laboratoire. Ils évoquent aussi les fondements des recherches qui leur ont permis, indépendamment et collaborativement, de déchiffrer le mécanisme du trafic vésiculaire, système majeur de transport utilisé par les cellules. Sa simplicité apparente pour nous maintenant est à l’image de l’immense travail de déchiffrage réalisé.
Randy Schekman, « Oh my God ! »
De retour de Francfort, Randy Schekman qui vient de recevoir un prix, avoue être déjà au courant. « There it is, Oh my God », s’exclame-t-il. Et il commence par plaisanter sur l’un des bénéfices du Nobel, l’obtention d’un parking gratuit à l’Université de Berkeley, « un stimulant inhabituel pour travailler dur » plaisante-t-il. Une façon de laisser passer le trop-plein d’émotion, partagée avec sa femme, son père de 86 ans et ses deux enfants.
Il salue au passage le développement des techniques de microscopie électronique, sans lesquelles les membranes n’auraient pas été visualisées, pas plus que les mécanismes d’externalisation/internalisation des protéines. « Quand j’ai commencé mes travaux en 1976, en même temps que James Rothman débutait dans son laboratoire, nous étions engagés dans deux approches différentes. J’utilisais la technique classique de la génétique des levures. Une mutation après l’autre, j’ai trouvé les gènes régulateurs clefs du trafic vésiculaire. ceux qui contrôlent le transport aux différents compartiments cellulaires et à la surface cellulaire. »
Pendant ce temps, James Rothman suivait une voie biochimique complémentaire pour reconstituer le processus. « Lorsque nous avons comparé nos notes, de façon collaborative ou compétitive, il est devenu clair que nous étions en train de travailler sur les mêmes gènes et les mêmes protéines. » Et la synthèse des deux approches a fini par convaincre les chercheurs qu’ils étaient sur la bonne voie.
Thomas Südhof, couronné par le Lasker il y a moins d’un mois
Adam Smith, du Carolinska Institute : « Bonjour Monsieur Thomas Südhof, je vous informe que vous venez d’être récompensé par le Prix Nobel ! »
« Are you serious ? Oh my gosh ! », répond l’intéressé, qui manifestement ne s’y attendait pas. Pourtant il y a moins d’un mois le Pr Südhof (Stanford University School of Medicine) est parmi les deux lauréats du Prix Lasker, souvent considéré comme un préalable au Prix Nobel. Avec Richard Scheller (Genentech), ces chercheurs ont déchiffré les mécanismes de la libération rapide des neurotransmetteurs, un mécanisme qui gouverne l’ensemble des activités cérébrales.
La neurotransmission est déclenchée par l’influx électrique qui court le long de la cellule nerveuse et lorsque le signal atteint l’extrémité de la synapse, l’internalisation intracellulaire du calcium fait libérer les neurotransmetteurs dans la fente synaptique, pour qu’ils atteignent le neurone suivant, et ainsi de suite. Le calcium incite les sacs vésiculaires à fusionner avec la membrane et en moins d’une milliseconde la neurotransmission est effectuée. Ce sont là des observations réalisées dans les années 50.
Dans les années 80, Scheller et Südhof ont travaillé indépendamment au déchiffrage des lois moléculaires sous-tendant le processus. En purifiant et en caractérisant les protéines au site du processus, une protéine de membrane associée à la vésicule (VAMP) est mise en évidence. Südhof l’isole du cerveau d’un rat et la nomme « synaptobrevin ».
Ensuite, ce chercheur découvre la synaptotagmine qui se lie aux phospholipides de la membrane en présence du calcium, et qui s’accroche à la syntaxine du cerveau. La contribution de ce chercheur à la communication des cellules cérébrales entre elles se raccroche aux découvertes de Rothman et Scheckman, qui décrivent la « machinerie ».
Dans les années 90, Südhof poursuivant son idée et recherchant des protéines sensibles au calcium dans les cellules nerveuses, identifie les molécules qui détectent les ions calcium et déclenchent la fusion de la vésicule à la membrane cellulaire. Il explique la précision temporelle (de l’ordre de la milliseconde) avec laquelle les substances de signalisation sont libérées à partir de la vésicule sur commande.
James Rothman : « La cellule est très exactement une machine »
Quand il apprend être parmi les « nobélisé », James Rothman reconnaît être « sous le choc et surpris » même si beaucoup de personnes autour de lui évoquaient la possibilité de cette récompense. « Mais lorsque cela arrive réellement, c’est tout une expérience complètement différente. »
« Je suis absolument ravi de partager ce Prix avec Randy Schekman et Thomas Südhof », souligne le chercheur. Dans le champ du transport et du ciblage des molécules synthétisées par la cellule, nos travaux ont permis de passer du niveau descriptif au niveau mécanistique.
« La cellule est une machinerie, c’est très exactement ce que je pense. » Rothman découvre un complexe protéique qui permet aux vésicules de fusionner avec les membranes cibles. Les protéines des vésicules se lient à des récepteurs protéiques spécifiques sur la membrane cible. Ce qui permet aux vésicules de fusionner au bon endroit, et aux molécules d’être délivrées à leur destination correcte.
L’une des leçons majeures de toute cette machinerie biochimique et de biologie cellulaire, est que lorsqu’une molécule exerce son activité, elle le fait à la façon d’une fascinante machinerie, que l’on observe à tous niveaux, des atomes ou des molécules, à l’échelle de la nanomédecine.
« Initialement, j’ai été orienté par la physique. J’ai été attiré vers la biologie moléculaire par ma fascination pour la façon dont les vésicules se mettent contact à l’extérieur de la cellule. » Pendant les premières années, le projet d’une recherche à l’Université sur ce qui paraissait alors complexe et mystérieux n’était pas particulièrement valorisé.
« J’ai eu trois stimulants pour m’encourager : la jeunesse ; les fonds à cette époque facile à obtenir aux Étas-Unis du NIH pour des projets aventureux ; et un patron qui a su m’encourager. »
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