LE QUOTIDIEN - La proposition de règlement a reçu le soutien des députés européens, après son passage par la Commission en septembre. Quelle est votre réaction ?
NORA BERRA - Je ne peux que m’en réjouir. Renforcer la réglementation était un impératif face aux scandales sanitaires que nous avons vécu ces dernières années, je pense en particulier aux prothèses mammaires PIP ou aux prothèses de hanche.
Pourquoi était-il nécessaire de revoir la réglementation des dispositifs médicaux, qui datait des années 1990 ?
Ces incidents ont principalement fait apparaître deux insuffisances majeures dans la législation actuelle.
Tout d’abord au niveau de la mise en conformité des produits. Avec près de 80 organismes de certification en Europe, garantir une uniformité des contrôles s’avérait complexe. Ensuite en matière de vigilance et de surveillance du marché. Nous n’avions pas les outils adaptés pour une réponse immédiate et harmonisée des pouvoirs publics et de l’Europe en cas d’incident.
Quels sont les changements introduits par les deux propositions de règlement ?
Nous avons tâché de renforcer l’ensemble du cycle de vie du dispositif médical, de sa conception, au retrait du marché, en passant par la phase de développement, de certification, de mise sur le marché. Nous avons élargi le champ d’application des dispositifs médicaux en y intégrant ceux à visée purement esthétique comme les prothèses mammaires. Nous avons aussi clarifié les obligations et les responsabilités, auparavant floues, de tous les acteurs : fabricants, importateurs, distributeurs. Et nous avons renforcé les exigences en terme de qualification des organismes notifiés (ON) afin de garantir une harmonisation des pratiques.
Les inspections inopinées chez le fabricant seront enfin systématisées car il faut pouvoir tomber dessus sans avertissement ! Comment a-t-on découvert que le silicone des PIP était industriel et non médical ? En prélevant un échantillon à partir des fûts de l’usine.
Ce système fondé sur les ON, que les fabricants choisissent, tout comme ils choisissent la procédure d’accréditation, sur dossier ou sur l’examen d’un produit type, a été taxé de laxiste lors du scandale des PIP. Comment s’assurer de leur rigueur ?
Nous avons d’abord redéfini les procédures de conformité pour qu’elles soient réellement adaptées au risque que présente le dispositif.
Afin de s’assurer que les ON appliquent ces évaluations de façon rigoureuse, ils seront eux-mêmes contrôlés par la Commission et devront, pour les dispositifs les plus à risque, démontrer de compétences spécifiques. Ils auront de la part de la commission européenne une sorte d’autorisation pour intervenir dans ces dits secteurs.
Enfin, pour les dispositifs innovants à risque, nous allons plus loin que la Commission en demandant que des experts européens convoqués en fonction de leur champ de compétence approuvent les dossiers d’évaluation clinique préalablement à la certification finale.
Comment la surveillance du marché des DM est-elle renforcée ?
On met en place un système d’identification unique permettant à chaque DM d’être tracé tout au long de son cycle de vie. Parallèlement, la nouvelle législation permettra de notifier sur la plateforme EUDAMED (european databank on medical devices) les incidents et les événements indésirables, ce qui n’était pas systématique jusque-là. Sur la base de cette collecte au niveau européen, nous pourrons prendre les mesures les plus harmonisées et immédiates possibles pour la sécurité des patients.
Alors que les exigences de transparence se font de plus en plus entendre dans la société civile, les patients auront-ils accès à cette base de données ?
Ils auront accès à une majorité d’informations, en particulier, pour les dispositifs à haut risque, à un résumé de l’évaluation clinique et de performance du produit. Mais les citoyens ne pourront pas consulter tout le processus, en raison de la confidentialité de certaines données. De même, nous ne souhaitons pas que la notification des incidents soit directement consultable : lorsqu’un incident est rapporté, c’est aux experts d’établir l’imputabilité du DM et il ne faudrait pas être inutilement alarmiste.
Il est clair qu’en matière de vigilance, toute transparence sera faite sur les raisons ayant conduit à retirer un produit du marché.
Regrettez-vous l’absence d’une procédure d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour les DM de type 3, que réclamaient notamment les écologistes ?
Je ne l’ai pas souhaité en tant que telle car une procédure d’AMM (qui prend plusieurs années) n’est pas transposable aux DM, dont le cycle de vie est de 18 à 24 mois.
Mettre en place, sous la responsabilité des autorités compétentes, des groupes d’experts pour valider les données cliniques est en quelque sorte un processus centralisé d’autorisation.
Je crois que nous avons répondu au double enjeu : renforcer la sécurité sanitaire tout en préservant l’innovation garantissant l’accès des patients aux dernières technologies.
*Le texte rapporté par le député Dagmar Roth-Behrendt (S&D) a récolté 569 voix pour, 79 contre et 44 abstentions.
**Le texte rapporté par le député Peter Liese (PPE) a récolté 525 voix pour, 21 contre, et 132 abstentions.
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