« TRÈS RÉCEMMENT, les proches d’une personne décédée n’ont pu avoir immédiatement accès au corps car des services médicaux ont refusé de le confier aux pompes funèbres en raison d’une suspicion d’infection par le VIH. Pour justifier la rétention du corps pendant de longues heures, le personnel médical a invoqué la réglementation en vigueur, qui interdit la pratique de soins de conservation sur les personnes décédées d’une infection par le VIH. » Parce que plusieurs familles lui ont rapporté de telles difficultés, rencontrées lors du décès d’un proche, l’association des Élus locaux contre le sida (ELCS) a décidé d’alerter le Conseil national du sida (CNS), qui s’est saisi de la question.
L’avis adopté lors de la séance plénière du 12 mars, met l’accent sur le « caractère dramatique » de la réglementation. « Elle rajoute troubles et complications administratives alors même que les familles et les proches sont plongés dans la douleur et le deuil », déclare le CNS, qui, par ailleurs, estime que l’interdiction « renforce une représentation de l’infection par le VIH comme une maladie dangereuse qui nécessite des procédures dérogatoires au droit commun ».
Une réglementation complexe.
La réglementation en vigueur est complexe. L’arrêté du ministre de la Santé du 20 juillet 1998, qui fixe la liste des maladies contagieuses portant interdiction de certaines opérations funéraires, concerne plusieurs opérations relatives au transport, à la mise en bière et à la fermeture du cercueil pour les personnes décédées d’orthopoxviroses, de choléra, de peste, de charbon, de fièvres hémorragiques virales. De même, il interdit la délivrance d’une autorisation de pratiquer des soins de conservation sur les corps des personnes décédées d’hépatite virale, de rage, de maladie de Creutzfeldt-Jakob et d’état septique grave. Cependant, une décision du Conseil d’État du 29 novembre 1999 a rappelé que si le ministre en charge de la santé pouvait, après avis du Conseil supérieur de l’hygiène publique, dresser une liste des maladies contagieuses, il n’était pas de sa compétence d’interdire de manière absolue la possibilité de pratiquer des soins de conservation sur le corps des défunts atteints de ces maladies, celle-ci étant laissée à l’appréciation du maire de la commune du lieu de décès ou de l’endroit où sont pratiqués les soins. Pour compliquer le tout, pour des raisons de procédure, le Conseil d’État n’a annulé que de manière partielle l’arrêté du 20 juillet 1998 et a maintenu la référence à l’interdiction de soins de conservation sur les corps des personnes décédées infectées notamment par le VIH. Le décret de juillet 1998 est donc toujours en vigueur et une autorisation de soins peut être refusée par le maire au motif que la personne décédée serait séropositive pour le VIH.
Les médecins ne peuvent refuser le transport.
Le CNS demande donc « l’annulation de l’article 2 de l’arrêté en tant qu’il mentionne l’infection à VIH dans la liste des maladies faisant obstacle à la pratique de soins de conservation sur les corps » et invite les pouvoirs publics à « entamer une réflexion comparable sur les hépatites et les autres pathologies infectieuses mentionnées dans l’arrêté ».
De surcroît, il rappelle, que les médecins ne peuvent s’opposer, comme cela a été le cas dans l’exemple précité, au transport avant la mise en bière. « Un tel refus n’est pas légal », le médecin (médecin-chef du service hospitalier ou son représentant dans un établissement public ou médecin traitant dans un établissement privé) n’est compétent que pour s’opposer au transport du défunt lorsque celui-ci est atteint d’une des maladies contagieuses fixée par le décret et « dans lequel le VIH ne figure pas ».
Le CNS déplore cette interprétation abusive du décret et souligne « qu’aucun argument technique ou scientifique ne peut justifier l’application de mesures spécifiques en matière d’opérations funéraires sur les corps des personnes décédées infectées par le VIH dès lors que sont strictement suivies les précautions universelles qui s’imposent ».
Ces précautions standards conçues à la fin des années 1982 sous l’impulsion de l’Organisation mondiale de la santé et adoptées par l’ensemble des personnels de santé requièrent un équipement de protection individuelle, des mesures d’élimination des risques sur le lieu de travail et des pratiques susceptibles de réduire les risques d’exposition. Elles sont d’autant plus nécessaires dans le cas d’opérations funéraires que les cadavres sont porteurs d’une flore microbienne composée d’espèces bactériennes potentiellement pathogènes et susceptibles de proliférer en période post-mortem. « Tout corps traité doit donc être considéré comme une source de transmission possible », insiste le Conseil.
Ce type d’opérations est d’ailleurs soumis à une réglementation stricte : conduite à tenir dans les salles de soins et procédés de décontamination en cas d’accident d’exposition, suivi médical du personnel. Dans les pompes funèbres et les entreprises de transport des corps avant mises en bière, la surveillance doit être renforcée pour prévenir l’ensemble des risques résultant d’une exposition à des agents biologiques pathogènes (vaccination contre l’hépatite B, contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite). L’ensemble des précautions s’impose à tous les personnels exposés à des agents connus ou inconnus, diagnostiqués ou non.
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