Quand l’Institut national d’hygiène devient officiellement l’INSERM le 18 juillet 1964, l’organisme affiche déjà l’ambition de structurer la recherche française, de la rendre plus performante et plus rationnelle. La recherche française est alors dans une situation quasi féodale, où chaque professeur d’université est maître en son royaume.
Entré comme étudiant dans la première unité Inserm, qui en comptait déjà une centaine, en 1979, Raymond Bazin se souvient qu’ « à partir du moment où un professeur disposait d’une chaire, il avait automatiquement des locaux et du personnel à sa disposition. Il y avait parfois quelques centaines de mètres carrés de locaux vides. » Une ligne claire existait alors entre les unités CNRS, celles de l’INSERM et celles uniquement gérées par les universités. Le passage progressif à des unités mixtes toutes affiliées à l’INSERM s’est accompagné d’une évaluation croissante des travaux des chercheurs, mais aussi d’une politique d’orientation de la recherche pas toujours bien acceptée. « Un certain nombre de chercheurs dénonçaient ce qu’ils appelaient le pilotage par l’aval, ils avaient l’impression qu’ils risquaient de ne pas avoir d’argent s’ils ne travaillaient pas le bon sujet dans le bon thème. »
Un plus grand besoin de rationalité
Le lancement des actions thématiques de recherche en 1968, se complète en 1971 de mesures pour autoriser les chercheurs à changer de laboratoire sans l’accord de leur directeur et des commissions statutaires. Tout est alors bon pour « casser » l’influence de certains patrons de recherche qui font barrage à la mise en place d’une politique globale. Malgré ces résistances, le changement est inéluctable, et ce d’autant plus que le coût de la recherche a explosé et réclame plus de rationalité, ce qui n’est pas sans conséquence. « Les chercheurs ont commencé à passer beaucoup de temps à répondre aux appels d’offres de l’Agence nationale de recherche (ANR), de l’Europe », se souvient Raymond Bazin. Des activités de gestions chronophages qui éloignent les chefs d’équipe de la paillasse. « Un chef d’équipe ne peut plus de paillasse comme avant » poursuit Raymond Bazin. « Le travail est de plus en plus complexe : on ne devient pas un spécialiste de la spectrométrie de masse dès que l’on a besoin d’y faire appel. À mon époque, on pouvait se servir d’un spectrophotomètre peu sophistiqué en faisant appel à la loi de Beer-Lambert. »
Une complexité qui s’est considérablement accrue
À partir des années 1970, l’INSERM crée un département des relations internationales. L’idée est alors d’aider les chercheurs à lier des partenariats à l’étranger, et de leur permettre de partir plus facilement travailler à l’étranger. Si le physiologiste Serge Sharpak est allé travailler à Genève en 1985, ce n’est pas forcément par choix. « Je ne pouvais pas faire de la recherche sans finir mes études de médecine, » explique-t-il. Paradoxalement, ce clivage entre études de médecine et celles de chercheur en biologie est toujours vivace. « Il y a les programmes médecine-science mais les médecins sont rarement poussés à mettre en pause leurs études de médecine pour faire une thèse ce qui produit pourtant des médecins qui apprennent différemment et qui pensent différemment. » Serge Sharpak ne regrette pas pour autant ses séjours en Suisse puis à New York, car de tels voyages sont désormais un passage obligé de toute carrière de chercheur. Les politiques de recrutement récentes de l’INSERM favorisent d’ailleurs à leur manière ces passages à l’étranger. « On recrute maintenant des chercheurs plus expérimentés. Les jeunes doivent aller à l’étranger pour avoir une chance d’être recrutés comme membre permanent de l’INSERM. » Le laboratoire de Serge Sharpak est représentatif de ces nouvelles tours de Babel que sont devenus les laboratoires : pas un mot de français n’est échangé dans ses couloirs. « Dès le début, on s’est dit qu’on se forçait à communiquer en anglais pour habituer les thésards. Les jeunes chercheurs savent qu’ils sont quasiment obligés de partir dans un pays anglo-saxon ou en Allemagne. »
De Harvard à la station Port Royal
Si les chercheurs français vont de plus en plus souvent à l’étranger, l’inverse est tout aussi vrai. Edwin Wintermute a grandi et étudié à New York avant d’être un des tout premiers docteurs en biologie des systèmes à l’École médicale de Harvard. Il entre au Centre de recherche interdisciplinaire, à l’université Paris Descartes, en octobre 2011 après avoir rencontré son fondateur Ariel Lindner. « C’est le seul laboratoire où je voulais aller », confie-t-il. « À Boston, on disait qu’il fallait faire des choses en Europe. On racontait par exemple qu’il fallait un partenariat avec des chercheurs de six pays différents pour prétendre à un financement européen. Les gens plaisantaient aussi sur les courtes semaines de travail des Français. J’ai finalement découvert que les scientifiques du monde entier travaillent 60 heures par semaine. » Edwin Wintermute s’ étonne par la qualité des étudiants français « très brillants, plus motivés et plus spécialisés que leurs homologues américains. » Pour des post-doc étrangers comme Edwin, venir travailler dans un laboratoire français est un atout mais « ce n’est pas essentiel, comme peut l’être le fait d’aller aux États-Unis pour un chercheur français. La communauté scientifique américaine se voit comme le seul endroit important en science. » S’il est intimidé à l’idée de devenir professeur en France, Edwin Wintermute envisage sérieusement de rester « je voudrais être un pont entre les étudiants des deux pays » conclut-il.
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