Revues prédatrices, un problème croissant aux contours flous

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Publié le 04/02/2022

La publication scientifique se doit de respecter une éthique de la recherche. Un prérequis dont les revues prédatrices se dispensent de manière plus ou moins flagrante.

Revueprédatrice

On ne trouve pas de définition précise de ce qu'est une revue prédatrice
Crédit photo : Phanie

Il n’existe pas vraiment de définition de ce qu’est une revue prédatrice, on trouve plus facilement de définition de ce qu’elle n’est pas. En septembre dernier, l’université de la Sorbonne a publié une liste non exhaustive des revues non prédatrices, c’est-à-dire qui respectent les critères nationaux d’éthique en matière de publication scientifique. Dans sa charte d’éthique, l’université reprend à son compte les propositions détaillées dans le rapport sur l’intégrité scientifique du Pr Pierre Corvol de juin 2016. Ces dernières couvrent un large éventail de problématiques, allant de la sensibilisation des étudiants à la mise en place de référents dans chaque faculté.

Les revues prédatrices sont apparues en même temps que le concept des auteurs payeurs et de la science libre. « Les revues financées via des APC (pour Article Publishing Charges, c’est-à-dire un prix forfaitaire pour publier en open access sans abonnement, NDLR) » facilitent la création « de revues peu exigeantes sur le plan scientifique, ne s’appuyant pas sur un travail éditorial de qualité, cherchant via des campagnes agressives des auteurs capables de payer », résume le mathématicien Jean-Yves Mérindol dans son rapport de janvier 2020 sur l’avenir de l’édition scientifique en France et la science ouverte.

Selon le code européen de conduite pour l’intégrité de la recherche, le fait d’établir ou de soutenir des revues qui sapent le contrôle de la qualité de la recherche constitue « une faute scientifique et une pratique inacceptable ». Il y a encore quelques années, les revues prédatrices étaient pratiquement les seules à faire payer la publication aux auteurs. Avec le développement de la science ouverte, la pratique s’est étendue à des revues non prédatrices, rendant la frontière plus difficile à lire. « J’ai vu de nombreuses dérives et de l’amateurisme chez des journaux au comportement extrêmement agressif, et qui sont pourtant édités par des éditeurs reconnus, explique Yves Gaudin, directeur de recherche CNRS. En tant que relecteur, la série des “Frontiers” ou un éditeur comme MDPI n’a pas de politique éditoriale bien définie et nous envoie une tonne d’articles avec peu de données. Les droits de publication y sont de plus hors de prix, entre 5 000 et 8 000 euros. »

Des indices qui ne trompent pas

Les revues listées par l’université de la Sorbonne ont été sélectionnées sur leur capacité à organiser une revue par les pairs sérieuse, non biaisée, et dont le seul critère de sélection d’une étude n’est pas seulement la capacité des auteurs à payer des sommes parfois importantes.

Pour séparer le bon grain de l’ivraie, ils se sont appuyés sur la liste d’indices (« red flag ») censés alerter les chercheurs : un catalogue démesurément épais de revues, des titres inaccessibles, des études de mauvaise qualité ou inexistantes, l’absence de contact téléphonique et/ou d’adresse postale (ou localisée dans un bâtiment résidentiel). Un autre signe décisif : les fausses allégations d’indexation dans des bases de données telle que Scopus, Web of Science, ou encore PubMed Central. Les journaux qui ne font pas partie de l’Association pour la publication en accès libre des productions académiques (OASPA) ou du Comité pour une publication éthique (Cope) doivent aussi éveiller les soupçons, de même que ceux qui ne sont pas transparents quant à leur processus de revue par les pairs.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin