Les grands rendez-vous santé de la femme

Activité physique, iatrogénie… les défis de la longévité féminine croissante

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Publié le 23/05/2022
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Avec l'allongement de l'espérance de vie, la prévention est devenue majeure même chez les plus âgés. Chez les femmes, l'accent est mis notamment sur l'activité physique qui joue sur plusieurs aspects concernant particulièrement la population féminine gériatrique comme la maladie d'Alzheimer, les pathologies cardiovasculaires, les troubles anxiodépressifs ou encore la fragilité.

Avec une espérance de vie de 85,5 ans selon les données Insee 2021 (contre 79,4 pour les hommes), les femmes pèsent pour beaucoup dans le vieillissement de la population française, avec « des âges de décès toujours plus élevés, y compris au-delà de 90 ans », témoigne le Pr Nathalie Salles, présidente de la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG).

Face à cette longévité féminine croissante, « tout l’enjeu est de permettre le vieillissement en santé », estime la gériatre. Dans cette optique, la prévention via l’activité physique (AP) est spécialement importante en population féminine gériatrique, défend la spécialiste, avec des bénéfices en termes de morbidité sur plusieurs aspects concernant particulièrement les patientes âgées.

Alors que les femmes représentent 70 % des personnes identifiées comme fragiles, l’exercice physique a établi son intérêt pour réduire la fonte de la masse musculaire – plus faible de base dans le sexe féminin – et limiter le risque de chute. Des programmes proposant aux personnes âgées des exercices à effectuer lors de leurs activités de la vie quotidienne permettraient par exemple « une réduction de 31 % du taux de chutes, une amélioration de l’équilibre et des capacités fonctionnelles et une augmentation de la confiance en soi », indique la Haute Autorité de santé (HAS) dans son référentiel sur la prescription d’activité physique et sportive chez les personnes âgées.

Ralentissement du déclin cognitif

L’intérêt est aussi d’ordre cognitif. Toujours selon la HAS, l’AP « améliorerait la mémoire à court terme des personnes âgées sans trouble cognitif et les fonctions cognitives des personnes âgées se plaignant de troubles cognitifs subjectifs ou présentant des troubles cognitifs modérés ». Alors que toutes les cohortes confirment la prédominance féminine de la maladie d’Alzheimer, la méta-analyse de Norton suggère aussi un lien statistique entre l’AP et la prévention de la maladie d’Alzheimer puisque le risque relatif de maladie d’Alzheimer chez les adultes étant physiquement inactif serait de 1,82. En prévention secondaire, « chez les personnes âgées démentes atteintes d’une maladie d’Alzheimer, les programmes d’AP adaptée n’ont pas d’effets nocifs et amélioreraient les capacités à effectuer des activités de base de la vie quotidienne ». Une méta-analyse suggère aussi un bénéfice en termes de ralentissement du déclin cognitif des personnes âgées démentes. « L’AP agirait par des mécanismes propres, mais aussi en corrigeant les autres facteurs de risque modifiables de la maladie d’Alzheimer : diabète de type 2, HTA, obésité et dépression », évoque la HAS.

Médicaments, attention aux posologies
S’il n’existe pas de données suggérant une iatrogénie médicamenteuse spécifiquement accrue en population gériatrique féminine, « les femmes âgées ont souvent un volume corporel faible, souligne le Pr Salles, ce qui impose de revoir les posologies en fonction du poids de la personne en les adaptant à la clairance de la créatinine, toujours calculée avec la formule de Cockcroft qui prend justement en compte l’âge et le poids ».

Alors qu’être hypertendu « est clairement un facteur de risque de maladie d’Alzheimer, on sait en effet que l’activité physique limite le risque d’HTA », appuie le Pr Salles. Plus largement, elle permet de « prévenir toutes les maladies cardiovasculaires, première cause de mortalité chez les femmes », rappelle la présidente de la SFGG.
Enfin, l’AP « améliore le sentiment de bien-être, d’où un risque moindre de troubles anxiodépressifs, lesquels sont aussi plus fréquents chez la femme âgée que chez l’homme ».

Concernant le type d’activité à privilégier, le Pr Salles conseille de favoriser des activités qui allient à la fois des interactions sociales et le plaisir « comme la marche nordique ou le tai-chi dont le bénéfice est bien documenté dans la littérature ». La recherche s’intéresse aussi de plus en plus aux bienfaits des animaux de compagnie avec de premières données suggérant notamment « qu’avoir un chien après 70-75 ans pourrait être bénéfique pour la santé, non seulement en incitant à sortir de chez soi mais aussi en favorisant les interactions sociales et en donnant un sentiment de plaisir et d’utilité ». Plus classiquement, l’accent peut être mis « sur tout ce qui est activité physique du quotidien, que ce soit faire son ménage, jardiner mais aussi aller chercher ses petits-enfants à pied ».

Âgées et aidantes !
Parce qu’elles sont fréquemment plus jeunes que leur conjoint, « les femmes âgées sont souvent le proche aidant de leur mari malade », alerte le Pr Salles. Ainsi, dans l’étude Pixel portant sur l’entourage familial des patients atteints de maladie d’Alzheimer, lorsque l’aidant était le conjoint, il s’agissait des épouses dans deux cas sur trois. Pour ces femmes, « le fait d’être proche aidant impacte l’attention qu’elles portent à leur propre santé, souligne le Pr Salles. Elles accordent moins de temps aux actions de prévention, prennent moins le temps de se soigner en cas de pathologies chroniques et sont souvent plus déprimées ou anxieuses. Ainsi, pour un généraliste qui sait qu’une de ses patientes âgées a ce fardeau, cela pourrait peut-être être intéressant de lui proposer un rendez-vous dédié qui permette de faire le point sur son suivi médical, de mettre à jour ses vaccinations ou encore de se centrer sur des actions de prévention primaire comme l’activité physique. »


Source : Le Généraliste