Les générations de médecins n’entretiennent pas le même rapport au temps. Les effets d’âge sont même marqués. Ainsi, les seniors ont souvent gardé le tempo du temps des gardes et de l’époque où l’exercice médical se vivait comme un sacerdoce, H 24, avec les réveillons et la vie de famille chahutés par les urgences. Témoin, tour à tour PH à Paris, libérale dans l’Orne, puis chef de service dans un CH ornais, le Dr Jeanne B., la soixantaine très speed, admet qu’elle a fait passer ses quatre enfants après son engagement professionnel. Elle n’a jamais ralenti son rythme de « tâcheronne » : « J’enchaîne mes tâches du matin au soir sans me poser ne serait-ce que cinq minutes. Je déjeune en un quart d’heure et je bois mon café en étudiant mes dossiers. Mais je suis rattrapée par le temps : le soir je m’écroule maintenant à 21 heures. Vannée ! » En 2007, la PH a craqué. Arrêt de travail de plusieurs semaines. Donnant raison au Pr Colombat sur l’organisation managériale, elle estime que ce n’était pas tant le surmenage que les tensions entre collègues qui l'avaient laminée ».
Valeur travail contre vie privée
À la différence de la praticienne sexagénaire, les futurs médecins, d’après l’enquête Appel Medical Search de 2017, se déclarent toujours motivés par l’exercice d’un métier utile (74 %), ils sont encore déterminés par l’envie d’aider et de sauver leurs patients (24 %), mais, ils placent désormais dans le tiercé de leurs priorités « une qualité de vie satisfaisante » (70 %). Le salaire élevé et l’envie d’acquérir des compétences pointues passent aujourd’hui loin derrière (respectivement 37 et 33 %).
La valeur travail est donc sacrifiée à la priorité de la vie privée : en tête des craintes exprimées par rapport à leur projet professionnel, les étudiants citent le sacrifice de la vie privée, devant le risque d’erreur (respectivement 69 % et 65 %).
En 2017, l’enquête santé mentale réalisée par quatre syndicats chez les jeunes médecins le confirme : 28 % des 22 000 jeunes praticiens interrogés reconnaissent avoir souffert d’épisodes dépressifs qui, dans 23,7 % des cas leur ont suggéré des idées suicidaires.
« Ne dramatisons pas, commente le Dr Jean Thévenot, président du PASS, la majorité des soignants sont encore bien dans leur peau, mais, chez les jeunes, le métier réalisé n’est pas le métier idéalisé, la médecine sacerdotale, c’est fini. Le temps médical ne peut plus empiéter sur le temps de vivre. »
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