Alors même que l’hépatite C est la seule maladie virale chronique à pouvoir être guérie (dans plus de 95 % des cas), grâce aux nouveaux antiviraux d’action directe, on estime à 75 000 le nombre de personnes encore porteuses du virus en France et jamais dépistées. Afin de limiter cette « épidémie cachée », les hépatologues plaident depuis plusieurs années pour un dépistage plus systématique. En 2017, l’Association française pour l’étude du foie (Afef) avait ainsi défendu la mise en place d’un dépistage universel dans une optique d’élimination de la maladie à l’horizon 2025. Mais les autorités n’ont pas suivi. Considérant le dépistage systématique non efficient, la HAS s’est en effet prononcée contre fin 2019, plaidant au contraire pour le renforcement du dépistage ciblé dans les populations les plus à risque (hommes ayant eu des rapports sexuels avec des hommes, partenaires sexuels des personnes atteintes d’hépatite chronique C, transfusés avant 1992, patients séropositifs pour le VIH ou porteurs du VHB, etc.).
Dépistage ciblé, population générale éclipsée
Si ces populations à haut risque d’infection par le virus de l’hépatite C sont bien identifiées, une part non négligeable de sujets infectés par le VHC (20 à 30 % selon les études) ne rentre pas d’emblée dans ces catégories et se fond volontiers dans la population générale. En d’autres termes, le dépistage ciblé sur les facteurs de risque pourrait être pris en défaut, notamment en médecine générale et en population masculine, comme le suggère l’observatoire ANGH Kidepist.
Mené par l’Association nationale des hépato-gastro-entérologues des hôpitaux généraux de France, ce travail dresse un profil type du porteur chronique du VHC en population générale. « Le patient qui reste à dépister est le plus souvent un homme (63 %), d’âge moyen 54 ans et en situation précaire dans 43 % des cas. La moitié souffre d’au moins une comorbidité (diabète de type 2, syndrome métabolique, antécédents cardiovasculaires) », résume sa coordinatrice, le Dr Isabelle Rosa, du service de gastro-entérologie-hépatologie (CHI de Créteil).
La toxicomanie, un facteur de risque sous-déclaré
Autre enseignement de ce travail : plus de 40 % des nouveaux patients porteurs chroniques du VHC vus en consultation hospitalière ont été dépistés et adressés par leur médecin généraliste, loin devant les centres d’addictologie (CSAPA) et les centres pour usagers de drogue (CAARUD).
Tous âges confondus, le dépistage avait été réalisé en raison d’anomalies cliniques (asthénie, aspect cirrhotique du foie à l’échographie, etc.) ou biologiques (transaminases élevées, etc.) dans 25 % des cas et en raison de l’existence de facteurs de risque dans près de la moitié des cas (antécédents de toxicomanie, de transfusion (33 %), d’incarcération, migrants), mais aussi de façon systématique dans 27 % des cas. A posteriori, un antécédent de toxicomanie était retrouvé dans 60 % des cas, soit presque deux fois plus que ce qui était déclaré par le patient avant le dépistage. Parmi les patients porteurs du VHC dépistés en médecine générale, 22 % n’avaient aucun facteur de risque évident.
Ainsi, « il existe une discordance entre la présence d’un facteur de risque et la raison du dépistage, concluent les auteurs de l’étude, ce qui conforte les limitations du dépistage basé sur la présence de facteurs de risque ».
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