Médecins syriens récemment arrivés en France : le parcours du combattant

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Publié le 30/01/2017
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L’Ordre national des médecins compte à son tableau 1465 inscriptions de praticiens à diplôme syrien, sans dégager de tendance au long cours.

Le centre national de gestion (CNG) recense 226 inscrits aux épreuves de vérification des connaissances (EVC) en 2014, 188 en 2015, et 161 en 2016 ; les spécialités les plus représentées étant la pédiatrie, la médecine générale, la chirurgie, ou encore la gynécologie. L’association d’accueil aux médecins et personnels de santé réfugiés en France (APSR) constate, elle, une augmentation des sollicitations de Syriens. Ils étaient 6 professionnels de santé en 2012, puis 12 en 2013, 36 en 2014, et 46 en 2015. En 2016, les Syriens représentaient près de la moitié (47 %) des 108 dossiers traités par l’APSR, constate la secrétaire générale Françoise Henry. Exercer leur profession relève « du parcours du combattant », selon ses mots, à quelques exceptions près (voir ci-contre).

Comme tout médecin à diplôme étranger, les Syriens doivent passer, en Français, les épreuves de vérifications des connaissances (EVC), un concours qui a lieu une fois par an. La majorité d’entre eux ont le statut de réfugié, et peuvent de ce fait s’inscrire sur la liste B : le concours devient alors un examen, sans quota et la maîtrise de la langue peut être prouvée par « tout moyen ». En outre, ils peuvent être recrutés par les hôpitaux en tant que praticiens attachés associés, alors que les candidats à la liste A doivent travailler trois ans comme faisant fonction d'interne (FFI). « Encore faut-il trouver une place » note Françoise Henry. Les EVC ne sont qu'une première étape : les médecins doivent ensuite se présenter devant une commission d’autorisation d’exercice (qui réunit CNOM, DGOS, et CNG) qui rend un avis, avant que le ministère de la Santé ne leur accorde enfin l’autorisation individuelle d’exercice.

Repartir « en dessous de zéro »

« C’est un véritable parcours d'obstacles », confirme le Dr Nabeel Al Shoufi, chirurgien orthopédique, qui, à 50 ans, a le sentiment de repartir « en dessous de zéro ». En novembre 2012, il quitte sa vie confortable à Damas, avec ses deux filles dont la plus petite a 4,5 ans. Il arrive à Paris début 2013, puis, après avoir retrouvé sa femme journaliste et son fils partis de leurs côtés sur les routes de l’exil, il s’installe en 2014 à Nancy. Le Dr Al Shoufi décroche un stage, bénévole, au CHU de Nancy, où il se familiarise, un an et demi durant, avec le français médical. Puis… Rien. Malgré des contacts noués avec des chirurgiens de toute la France, aucun poste de FFI, ni même d’observateur ne se libère dans les hôpitaux et, dans un contexte de judiciarisation croissante de la médecine, les chefs de service sont réticents à ouvrir les portes, hors les clous. « Pourtant, je suis prêt à aller n’importe où en France pour travailler, je parle bien français, j’ai une petite voiture ! », explique-t-il. Il devrait se présenter aux EVC en octobre 2017.

« Travailler n’est pas facile, mais pas impossible », dit le Dr Osama Ezzo, 32 ans, l’espoir chevillé au corps. Diplômé de médecine générale à Alep en 2010, le Dr Ezzo n’a pu finir sa spécialité de pédiatre, commencée à Lattaquié, car il a été arrêté par le régime. Relâché mais menacé, il a dû fuir au Liban, puis en Turquie, où il a travaillé comme coordinateur de projets médicaux dans une ONG. « Je voulais reprendre ma carrière de médecin ; c’était impossible en Turquie, l’ambassade de France a répondu à mes attentes », explique-t-il. Le Dr Ezzo et sa femme sont arrivés en mars 2016 en France et ont trouvé un logement à Montesson (Yvelines) grâce à des associatifs. « Une chance » salue-t-il. Le médecin vient de recevoir son statut de réfugié (après 9 mois et dès heures d’attente, dès 3 heures du matin devant la préfecture) et cherche un poste. « J’ai déjà pu faire un stage d’observation de deux mois à Versailles car je connaissais une pédiatre. J’ai commencé à envoyer mon CV à Paris et dans toute l’Ile-de-France. J’attends. Si je ne trouve rien, je chercherai ailleurs en France ; au pire, je ferais un autre stage d’observation, bénévole. Je ne peux pas rester à rien faire » prévoit-il. « Et je perfectionne mon Français, good, but not perfect », ajoute-t-il. « Nous aurons sûrement quelques obstacles à affronter mais j’ai le sentiment qu’on sera heureux en France » confie-t-il.

Coline Garré

Source : Le Quotidien du médecin: 9551