Ici comme partout, la digitalisation est en marche, avec depuis plusieurs années une croissance annuelle à deux chiffres. « De plus en plus de dons se font sur internet et cela nous a permis de limiter la casse à la fin de l’année 2018,» observe Christophe Leroux. « Le support digital constitue une évolution majeure, confirme le Dr Chambon, avec les dons par cartes, les dons par SMS et les microdons ». À Médecins du Monde, « il représente aujourd’hui 20 % de nos ressources, indique Jean-Baptiste Matray, ce qui réduit nos charges en mailings papier, en nette perte de vitesse, mais les influenceurs sur internet ne nous font pas encore renoncer aux collectes traditionnelles, comme les campagnes menées dans les rues ».
Les réseaux sociaux sont en train de devenir les nouveaux vecteurs de la générosité : l’an dernier, 3 jeunes sur 10 ont répondu à un appel lancé à un événement Facebook ou autre (anniversaire, appel au don), 43 % des 18-35 ans se déclarent prêts à organiser d’eux-mêmes une collecte en sollicitant leurs amis sur les réseaux (sondage France Générosités novembre 2018).
Cagnottes et crowdfunding
Apparaissent aussi de nouveaux phénomènes de collecte autour de la « gamification » et des cagnottes qui lèvent des sommes aux montants de plus en plus spectaculaires, en lien direct avec l’actualité et qui court-circuitent les associations et les dispositifs de déduction fiscale. Sans oublier la multiplication des opérations de type crowdfunding, avec 10 % des Français qui ont déclaré en 2018 mettre de l’argent sur ses plateformes dédiées; elles ne relèvent à proprement parler du don, mais n’en moissonnent pas moins sur le même terrain que les associations.
Donateur militant.
Alors que l’attrition rabote année après année les dons des plus de 50 ans et surtout des plus de 65 ans (-10 % par an), les moins de 35 ans, qui ont représenté en 2018 24 % des donateurs, font l’objet de toutes les attentions. L’enquête Kantar public – France Générosités tente de dessiner le profil de cette nouvelle génération. Le donateur de demain est surtout attentif aux actions contre l’exclusion, pour l’aide à l’enfance et pour la protection animale ; il privilégie un don immédiat (pas de prélèvement automatique) et dématérialisé. « Il a un comportement militant au service d’une cause », ajoute Jean-Baptiste Matray. C’est pourquoi, analyse Christophe Leroux, « il nous faut faire œuvre de conviction pour le sensibiliser sur nos actions et nous efforcer de l’orienter, pas seulement pour donner mais pour s’engager dans des actions de bénévolat. Dans une société dite liquide, l’exigence d’une utilité personnelle concrète se fait impérieuse. »
Deux phénomènes menacent en particulier les anciens modèles associatifs : l’hyper-sollicitation, qui entraîne une réaction d’esquive et surtout, note Frédéric Théret, « la crise de confiance généralisée. Voilà nos adversaires, pas seulement chez les jeunes. Nous devons contre-attaquer à la fois en mettant en évidence nos valeurs de solidarité et en fléchant nos programmes avec un maximum de transparence. »
Le Comité de la charte, qui regroupe 90 associations avec un tiers de la générosité collectée, montre dans son dernier baromètre qu’avec un score de confiance à 55 %, les associations sont loin devant les syndicats (35 %) et les partis politiques (11 %). « En période de grande incertitude, note Nathalie Blum, c’est ce socle de la confiance qui nous permet de rester optimistes dans la tourmente que nous traversons. Car donner, c’est promettre et regarder l’avenir, quand celui-ci est de plus en plus perçu comme une menace. Sans confiance, pas de générosité, pas de lien social. »
Dans ce contexte, « c’est dommage, vraiment, déplore Pierre Siquier, que la nouvelle philanthropie, avec l’engagement par le don et le bénévolat, n’apparaisse pas dans les thématiques du Grand Débat, alors que celui-ci tourne essentiellement autour de la solidarité.
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