Le point de vue du Dr Gaël Durel*

Pour une réflexion large sur le sens de la vie, la vieillesse et la maladie

Publié le 01/03/2018
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Depuis plusieurs mois les mouvements sociaux au sein des EHPAD alertent les Français sur les difficultés rencontrées au quotidien par les soignants pour accompagner au mieux les personnes âgées dépendantes résidantes en EHPAD.

Si le déficit de soignants au sein de nos EHPAD est une réalité que nul ne peut contester, nous pensons qu’il est urgent de mener une réflexion plus large pour répondre aux défis qui nous attendent.

Valoriser le travail des soignants

Trop souvent le travail des soignants est réduit aux soins de nursing, alors que l’accompagnement des personnes âgées dépendantes nécessite des soignants compétents, investis dans leurs métiers tant pour surveiller et traiter des pathologies multiples souvent décompensées que pour apporter un véritable investissement dans l’application de thérapeutiques non médicamenteuses pour faire face aux troubles psycho-comportementaux liés à la démence.

Le métier de soignants est aussi un métier d’avenir et l’arrivée des nouvelles technologies au sein des EHPAD (télésurveillance, télé-consultation, robotisation…) doit permettre de renforcer l’image positive de ces professions en alliant le rapport singulier à la personne avec l’utilisation de ces nouvelles technologies.

La formation en priorité

Trois quarts des résidents séjournant en EHPAD sont accueillis du fait de troubles cognitifs en lien le plus souvent avec une démence de type Alzheimer ou apparentée. Seules les thérapies non-médicamenteuses ont fait la preuve de leur efficacité et il est donc indispensable de former l’ensemble des personnels intervenant en EHPAD à l’utilisation de ces thérapeutiques.

Un résidant est porteur en moyenne de huit pathologies souvent décompensées ou en « équilibre précaire » ; il est donc aussi urgent de former ces personnels au repérage et à la prise en charge des spécificités du soin concernant des personnes démentes poly pathologiques.

L’enjeu n’est pas d’accompagner au mieux des personnes séjournant en établissement du fait de leur âge mais accueillies du fait des polypathologies qui entraînent une dépendance. MCoor défend le concept de « Qualité de vie en EHPAD » selon les recommandations de l’ANESM, à savoir : « pour chaque résident, les soins ont pour finalité la meilleure qualité de vie possible ».

La formation des médecins coordonnateurs est également une préoccupation qui doit trouver une réponse adaptée. La disparition de la capacité de gériatrie pose la question de la légitimité de l’expertise gériatrique que le médecin coordonnateur doit exercer au sein de son établissement. Nous pensons au sein de Mcoor que pour accroître l’attractivité du métier de médecin coordonnateur, il faut renforcer cette image d’expert et lui donner une formation reconnue par un diplôme national.

L’urgence est donc d’apporter à la fois du personnel en nombre suffisant et suffisamment formé. Préserver et soulager l'Humanité ne peut se faire sans humains et sans savoirs.

Pour revoir l’Ehpad de demain, pas de modèle unique

L’explosion démographique attendue nécessite la mise en place d’une large réflexion pour prévoir l’accueil de ces nouveaux patients à venir : « En 2050, 69 habitants seraient âgés de 60 ans ou plus pour 100 habitants de 20 à 59 ans, soit deux fois plus qu’en 2005. » (Isabelle Robert-Bobée, division Enquêtes et études démographiques, Insee)

Le modèle de l’EHPAD est donc à repenser, tant pour faire face à cette réalité démographique que pour faire face à la coexistence des modèles différents de soins nécessitant de trouver la place de l’EHPAD avec l’ensemble des partenaires sanitaires et médico-sociaux. Cette perspective d’avenir est aussi manière de sortir de la crise en élevant nos regards au-delà des réalités d’aujourd’hui.

La solution de « sortie de crise » n’est pas unique. Il faut reconnaître non pas un modèle d’Ehpad mais des réalités bien différentes selon l’implantation de la structure en milieu urbain ou rural, selon le statut juridique, selon la présence ou non d’un médecin coordonnateur, selon l’implication des médecins traitants au sein de l’EHPAD avec des réalités particulières dans les zones de désertification médicale. Il nous semble donc indispensable de prendre en compte cette hétérogénéité pour proposer des réponses adaptées à chaque problématique.

Au-delà de la crise en EHPAD, il nous semble nécessaire d’engager une participation collégiale pour une réflexion large sur le sens de la vie, la vieillesse, et la maladie. Cette réflexion collective est une urgence sanitaire qui ne doit souffrir d’aucun retard au risque de voir les conditions de survie des personnes âgées mises à mal, ce qui est indigne pour le pays des Droits Humains.

* Dr Gaël Durel (Tinténiac, 35), co-président de Mcoor (association nationale des médecins coordonnateurs en Ehpad et du médico-social)
 


Source : Le Quotidien du médecin: 9644