Douleurs pelviennes chroniques

Une prise en charge fondée sur l’étiologie

Publié le 02/11/2015
Réfractaire, la douleur exclut la patiente du monde des "biens portants"

Réfractaire, la douleur exclut la patiente du monde des "biens portants"
Crédit photo : PHANIE

D’une durée supérieure ou égale à 6 mois, les douleurs pelviennes chroniques concernent 15 % des femmes de 18 à 50 ans. L’algie est réelle et s’accompagne presque toujours d’une angoisse voire d’une dépression, chez des patientes venant souvent consulter en situation d’échec. Cette douleur les exclut du monde des « bien portants ». La prise en charge de la douleur devra tenir compte de l’étiologie, dans un contexte psychique. Il est indispensable qu’elle soit globale et pluridisciplinaire.

Le diagnostic est souvent difficile, car la topographie de la douleur est mal précisée. Il est essentiellement posé par l’interrogatoire, qui permettra une évaluation de l’aspect cyclique, du niveau de la douleur (échelle visuelle analogique) et du retentissements sur la qualité de vie. Les symptômes associés seront recherchés : ménométrorragies, leucorrhées, douleurs provoquées, dyspareunies, symptômes urinaires ou digestifs, infertilité. La dysménorrhée est fréquente.

Quatre mécanismes physiopathologiques sont en cause dans la génération de la douleur : une altération de la mobilité des organes ; une anomalie de l’écoulement du flux menstruel ; une irradiation ou une inflammation du péritoine ; une compression ou une infiltration des nerfs pelviens.

Parmi les étiologies les plus fréquentes, on retrouve une endométriose (25 à 74 %) ; des adhérences d’origine infectieuses ou inflammatoires (26 à 52 %) ; une infection chronique (‹ 10 %) ; des antécédents de salpingite ; une infection pelvienne aiguë.

Une neuropathie peut être à l’origine des symptômes, notamment du nerf pudendal, autour duquel la douleur est ressentie (anus ou clitoris) ; elle est alors aggravée en position assise mais pas la nuit. Plus rarement (et controversé), les douleurs peuvent être causées par une rétroversion utérine primitive (syndrome de Mastell Allen).

L’origine psychogène tient aussi une place importante : 53 % des femmes adressées dans un centre de référence d’APC présentent un antécédent de viol ou de maltraitance (1). Ainsi, des antécédents de violence, sexuelle ou non, doivent être recherchés systématiquement lors de l’interrogatoire. « Les algies pelviennes ne répondent pas spécifiquement à une pathologie d’organe : non seulement l’examen ne doit pas être limité au pelvis, mais un terrain psychologique doit obligatoirement être éliminé», a insisté Marie Lambert (Bordeaux).

Parmi les causes non gynécologiques, on recherchera : une origine colique (rectocolite ulcéro-hémorragique, maladie de Crohn), urinaire, des troubles musculo-squelettiques.

Les examens complémentaires viseront à confirmer l’étiologie : échographie abdominopelvienne avec Doppler et évaluation psychologique en premier recours, complétées au besoin par un examen bactériologique, urologique, EMG, une coloscopie.

On pourra ensuite pratiquer une IRM, indispensable en pré-opératoire même si elle peut passer à côté de certaines lésions, et une cœlioscopie diagnostique sous anesthésie locale (éventuellement assorties d’un geste opératoire). Il sera nécessaire, à cette occasion, de faire un bilan précis des lésions et d’essayer d’établir un lien entre elles et la douleur. « Ces interventions ont souvent un effet placebo, dans 30 % des cas, a rappelé Arnaud Le Tohic (Versailles), expliquant que « la patiente a, enfin, été prise au sérieux ». Si aucune étiologie gynécologique n’a été trouvée, cette intervention permettra aussi d’explorer les autres causes de douleurs pelviennes chroniques non gynécologiques.

Des thérapeutiques adaptées

Contrairement à une douleur aiguë, la douleur chronique répond difficilement à une évaluation. La prise d’opiacés devra être limitée car une accoutumance est toujours possible. Le traitement est toujours adapté à l’étiologie.

La découverte d’une étiologie psychiatrique associée ou non permettra de mieux aiguiller la prise en charge médicamenteuse. Un soutien psychologique doit alors être proposé.

Dans le cas d’endométriose ou d’adénomyose, les traitements hormonaux (contraception OP en continu, macroprogestatifs en continu, analogues LH-RH pour une courte durée) peuvent être associés à des traitements alternatifs (homéopathie, phytothérapie, etc.).

Quant aux fibromes, les traitements hormonaux ont parfois un effet stabilisant. On est souvent amené à utiliser les analogues voire l’ulipristal acetate en vue d’une intervention chirurgicale. Cette molécule pourrait avoir une action à long terme sur la douleur et les saignements, administrée par cures successives de 3 mois avec un repos de deux cycles entre chaque cure.

Pour les kystes fonctionnels, les traitements hormonaux sont recommandés. Cependant, ces traitements n’ont aucun effet dans le cas de kystes organiques, les adhérences post-infectieuses, ou de varices pelviennes.

Si la douleur est inflammatoire, la prise en charge devra se faire de deux façons selon qu’elle est de type nociceptif ou de type neuropathique. Dans le premier cas, on pourra prescrire des AINS, des corticoïdes, des analgésiques non opioïdes (paracétamol), voire des analgésiques opiacés faibles (Topalgic, etc.). Dans le second cas, on pourra utiliser des traitements antidépresseurs (imipraminiques ou inhibiteurs de la recapture de la sérotonine), ou anti-épileptiques (benzodiazépine, gabapentine).

Si la douleur est spastique, les antispasmodiques et les myorelaxants centraux peuvent être utilisés.

« Malheureusement, les patientes sont souvent confrontées à un échec thérapeutique, dû à un nomadisme à la recherche du/de la praticien-ne qui trouvera enfin la cause de cette douleur. Dans ce cas, il faudrait recourir à une chirurgie à visée antalgique », plaide Arnaud Le Tohic. C’est une option qui pourrait être envisagée selon lui d’emblée dans certaines situations cliniques, ou après échec du traitement médical.

D’après la session « Douleurs pelviennes chroniques, quand psyché et soma se mêlent et s’emmêlent »

 

(1) Toomey TC et al. Pain 1993


Dr Lydia Marié-Scemama

Source : Le Quotidien du Médecin: 9446