Les femmes sont-elles l'avenir de la profession médicale ?
Provocatrice, la question ne semble plus si saugrenue. Du strict point de vue mathématique, la féminisation du corps médical se poursuit depuis dix ans pour atteindre 47 % des effectifs totaux de praticiens en activité régulière (et même 48 % des effectifs généralistes), selon les dernières statistiques ordinales (2018). Dans onze départements déjà, plus de 50 % des médecins actifs réguliers sont des femmes.
Certes moins représentées parmi les seuls praticiens libéraux (38 %), elles sont tout de même les plus nombreuses parmi ceux de moins de 50 ans. Et si l'on analyse uniquement les nouveaux inscrits à l'Ordre (ou les moins de 40 ans), la proportion se situe autour de six femmes sur dix…
Génération
À l'occasion des assises de l'association FMTL, le Dr Joëlle Pecqueur, généraliste à Mazingarbe (Pas-de-Calais), vice-présidente d'AGMF Prévoyance, s'est employée à combattre les idées reçues. Ses consœurs travailleraient moins, plébisciteraient le salariat, ne s'installeraient pas dans les déserts médicaux ou n'auraient pas l'esprit d'entreprise ? « Les femmes de mon secteur qui exercent en libéral travaillent de façon très intense et sont investies dans de nombreuses associations, recadre-t-elle. Pour ma part, je travaille en moyenne 70 heures par semaine ». De fait, plusieurs travaux ont montré que, davantage que le sexe, c'est l'effet de génération qui conduit les jeunes pousses à choisir tel type d'exercice (mixte, regroupé, pluridisciplinaire), à plébisciter les remplacements ou à renoncer (au moins provisoirement) au secteur libéral en raison de contraintes jugées insurmontables.
De ce point de vue, l'exercice hospitalier n'avantage guère les femmes par rapport à leurs confrères. « Aux urgences, le planning horaire est strictement le même », confirme le Dr Fatia Cherfioui, pédiatre en libéral mais aussi attachée aux urgences pédiatriques de l'hôpital Robert Debré (Paris).
Du mieux sur la protection sociale
Le désir d'enfant et la maternité demeurent des freins puissants à l'installation en libéral mais constituent plus largement une entrave à la prise de responsabilités (managériales, syndicales), quel que soit le secteur ou l'activité. Le Dr Guilaine Kieffer-Desgrippes, généraliste libéral pour SOS Médecins, présidente de l’URPS médecins libéraux Grand Est, explique avoir dû « jongler » en permanence pour faire garder ses enfants lors de ses longues journées de travail.
Sur ce terrain de la protection sociale, chaque avancée compte. « Concernant le congé maternité, nous avons récemment obtenu que les femmes médecins, comme les autres indépendantes, puissent avoir les mêmes droits et avantages que les travailleuses salariées. La prochaine étape serait d'obtenir que les frais de garde des enfants puissent être défiscalisés du chiffre d'affaires », lance le Dr Philippe Vermesch, président du SML.
A l'hôpital aussi, concilier progression de carrière et vie personnelle épanouie relève du combat permanent. « En travaillant en tant que chirurgien à l'hôpital, mes contraintes professionnelles étaient telles que j'ai dû renoncer à être pleinement mère », confie même le Pr Corinne Vons, présidente de l’Association française de chirurgie ambulatoire (AFCA). Système hospitalier patriarcal, autocensure des femmes : en mars 2019, une enquête nationale édifiante portée par les syndicats Action praticiens hôpital (APH) et Jeunes médecins, réalisée auprès de 3 135 praticiens hospitaliers, chefs de clinique et internes a documenté la discrimination liée au genre. En 2018, 52 % des postes de PH à temps plein sont occupés par des femmes mais seulement 21,2 % des postes de PU-PH. Dans les centres hospitaliers, elles siègent à la présidence d'une commission médicale d'établissement (CME) sur trois.
Assistants, CPTS : réformes pour les femmes ?
Dans ce contexte, toutes les réformes visant à libérer du temps médical sont particulièrement attendues par les femmes médecins. « Le recrutement d'assistants médicaux leur fera gagner du temps et améliorera le confort de travail… même si la patientèle totale devra augmenter », veut croire le Dr Vermesch, patron du SML.
Autre accord, celui sur les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui doit conduire à la fin de l'exercice isolé et permettre, par exemple, d'organiser de façon collégiale la prise en charge des soins non programmés. Le Dr Latifa Miqyass, généraliste libérale et responsable d'une CPTS dans le Loiret, a fait le pari de s'installer en milieu rural, à Bazoches Les Gallerandes, dans une zone sous dotée. « L'exercice coordonné m'a beaucoup aidée, confirme-t-elle. Lorsque j'ai été arrêtée pour la naissance de mes enfants, je n'ai pas eu le sentiment d'abandonner mes patients. Car j'ai pu compter sur les deux confrères avec qui je travaille pour les prendre en charge, sans risquer de les perdre ».
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