Lombalgie, conjonctivite et ongle incarné : ce que des médecins sont prêts à déléguer pour mieux réguler les soins non programmés

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Publié le 01/04/2019
delegation de taches

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Crédit photo : PHANIE

Après une séance plénière riche en échanges, les congressistes venus nombreux aux Huitièmes Journées nationales de la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS) ont été très productifs lors de l'atelier intitulé « Soins non programmés, jusqu'où aller dans le partage des compétences ? »

Alors que les syndicats de médecins libéraux se montrent très réticents à la délivrance par les pharmaciens de certains médicaments sur ordonnance, 80 professionnels de santé – dont une dizaine de médecins – exerçant en maison de santé, ont fait montre d'une forte ambition sur le sujet du partage de compétences.

Les participants ont identifié les situations de soins non programmés (soins aigus) qui peuvent être gérées par un professionnel de santé autre que le médecin. Ils ont aussi expliqué les avantages et les risques d'une telle pratique et comment l'exercice pluriprofessionnel pourrait remédier à ces risques.

Avantages et risques

Après une heure de brainstorming, une quinzaine de situations de soins non programmés « transférables » apparaît : de la lombalgie aiguë aux plaies en passant par les infections vaginales, la crise d'angoisse, la conjonctivite, l'entorse ou les ongles incarnés. Selon chaque situation, les professionnels de santé le plus souvent cités pour gérer les situations de soins non programmés à la place du médecin sont les infirmiers, les pharmaciens, les kinés et les sages-femmes.

Quels avantages pour les patients et les professionnels ? Les réponses ont fusé : la rapidité de prise en charge, la fluidité dans le parcours, libérer le temps médical pour les médecins, les compétences valorisées pour les professionnels délégués, la satisfaction du patient et du professionnel…

Selon le soin non programmé délégué, les risques le plus souvent cités sont : les allergies, les contre-indications, l’iatrogénie médicamenteuse, les erreurs de diagnostic, le manque de formation du professionnel, le risque de nomadisme des patients et la question de la responsabilité du professionnel.

Pour remédier à certains risques et sécuriser toute démarche de partage de compétence, les participants ont plébiscité un système d'information partagée avec un accès total au dossier du patient, une formation initiale et continue en pluriprofessionnel, un exercice cadré par les protocoles, une évaluation des pratiques ou encore l'élaboration des fiches pour faire de l’information des patients.

Le totem de la prescription

Si les congressistes sont allés assez loin dans leur réflexion, aucun n'a osé se frotter au totem de la prescription. « Vous n'osez pas encore parler de l'autoprescription, on ressent un vrai frein sur le sujet, analyse le Dr Étienne Deslandes, médecin généraliste à Ambérieu-en-Bugey (Ain) et animateur de l’atelier. Vous ne vous autorisez pas encore à dire que vous souhaitez revoir le patient pour refaire une évaluation avant, éventuellement, de l'adresser chez le médecin. À nous, professionnels exerçant ensemble, de pousser vers cela. »

La question du contour de l'exercice professionnel de chacun a également été soulevée. « Cela ne me dérange pas de partager les compétences avec les gens avec qui je travaille régulièrement, mais la problématique est la définition du métier. Il faut poser la question du devenir du métier de médecin généraliste », réagit un médecin de Chalon-sur-Saône. 

Présente à cet atelier, le Dr Margot Bayart, vice-présidente de MG France a trouvé l'exercice « intéressant » mais les pistes évoquées difficiles à mettre en œuvre. N'empêche, en bonne syndicaliste, elle estime que « le gros problème à régler en priorité est les modes de financement. Le modèle économique du médecin généraliste actuel ne le permettra pas de faire des transformations. Il faut passer sur un niveau de forfaits plus important de 30 à 40 % ».


Source : lequotidiendumedecin.fr