Deux syndicats de praticiens hospitaliers « soutiennent entièrement » le mouvement de protestation des fonctionnaires, appelés à manifester partout en France ce jeudi 9 mai contre le projet de loi de transformation de la fonction publique, censé « moderniser » leur statut. Près de 150 manifestations étaient prévues. À Paris, le cortège s'est élancé à 14 heures de la place Denfert-Rochereau, à destination des Invalides.
Le projet de loi s'inscrit dans le cadre de l'objectif de suppression de 120 000 postes de fonctionnaires d'ici à 2022. Le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin a qualifié d'« atteignable » cet objectif le 26 avril, alors qu'Emmanuel Macron s'était dit la veille prêt à « l'abandonner », demandant au gouvernement « son analyse d'ici l'été ».
Le texte sera examiné à l'Assemblée nationale en première lecture à compter du 13 mai. Le gouvernement souhaite une entrée en vigueur au 1er janvier 2020.
Le gouvernement prévoit en particulier d'augmenter le nombre d'embauches de contractuels issus du privé, et de les englober dans un dispositif de rémunération au mérite. Faciliter le recours aux contractuels permettrait de rendre l'administration « plus attractive et plus réactive » face aux « nouvelles attentes » des Français, argumente l'exécutif. Cette réforme prévoit aussi la possibilité de ruptures conventionnelles pour les fonctionnaires d’État et fonctionnaires hospitaliers volontaires.
Forte mobilisation à l'hôpital
Dans la fonction publique hospitalière, le texte est accusé de fragiliser les carrières hospitalières publiques. Dans les établissements, où travaillent 1,1 million d'agents salariés de la fonction publique, une « forte mobilisation est attendue », a déclaré à l'AFP Patrick Bourdillon de la branche santé de la CGT. « On a atteint un point de non-retour », a-t-il ajouté, dénonçant des services « en train d'exploser ».
Manifestation du 9mai 2019 fonction publique à thouars, avec la mise en place de croix qui représentent les postes supprimés et banderoles sur les 3 sites de l hôpital Nord Deux-Sèvres pic.twitter.com/Ho111DEc5C
— GD FO SPS 79 (@gdfosante79) May 9, 2019
Fin de la manifestation devant l'hôpital # greve9mai2019 pic.twitter.com/0CPqnpsTkJ
— La Montagne Moulins (@MontagneMoulins) May 9, 2019
Se disant concernés au premier chef (malgré leur statut à part, lui-même en train de subir une refonte), certains praticiens hospitaliers craignent de souffrir eux aussi de la réforme. « De nombreuses dispositions de ce projet de loi vont impacter l’ensemble des agents publics, y compris les personnels médicaux, odontologiques et pharmaceutiques hospitaliers, comme la rémunération au mérite, le recours accru aux contractuels, la fragilisation des instances de dialogue social, la remise en cause des comités médicaux », écrivent la centrale Action praticien hôpital (APH) et le syndicat Jeunes médecins, qui affichent ce jeudi leur « soutien » au mouvement de grogne des agents hospitaliers.
Interrogé par le « Quotidien », Patrick Léglise, vice-président de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) se dit « complètement opposé » à la rémunération au mérite. « Sur quoi le mérite sera-t-il calculé ? », s'interroge le pharmacien hospitalier qui penche plutôt pour une forme de rémunération à la responsabilité. « Nous préférons valoriser les fonctions comme chef de service ou président de CME », propose-t-il.
Dans une récente interview au « Quotidien », le Dr Renaud Péquignot, vice-président d'APH et chef du service de médecine et réadaptation des Hôpitaux de Saint-Maurice (Val-de-Marne), alertait sur « cette folie anti-agent public qui consiste à mettre du contractuel partout ». Il y a un an, une dizaine d'organisations syndicales de praticiens hospitaliers s'étaient déjà mobilisées contre la réforme de la fonction publique hospitalière.
APH et Jeunes médecins « observeront attentivement la réponse gouvernementale à ces revendications justes et appelleront à la grève si elles n'étaient pas satisfaites », précisent-ils.
Ni retrait ni renégociation
Le gouvernement a tenté d'éteindre le feu qui couve. Supprimer 120 000 postes « n'est pas un totem », a assuré jeudi Olivier Dussopt sur Cnews. « Mais il faut aussi faire des économies car avec plus de 70 milliards d'euros de déficit par an, ça n'est pas tenable ». Le secrétaire d'État est resté ferme sur le maintien du projet de loi, confirmant qu'il n'y aurait ni retrait, ni renégociation de cette réforme « attendue par les agents » selon lui. « Les Français nous ont dit "de la proximité, des hôpitaux et des écoles", le président de la République dit "on n'en fermera plus" », a rappelé Olivier Dussopt.
Les neuf syndicats (CGT, CFDT, FO, FSU, Solidaires, UNSA, FA-FP, CFE-CGC, CFTC) à l'origine de l'appel à la grève représentent les 5,5 millions d'agents publics (qui regroupent surtout 3,8 millions de fonctionnaires d'État, des collectivités territoriales et hospitaliers et un million de contractuels). Ils ont prévenu que la journée de jeudi ne serait « qu'une étape » d'une mobilisation pour « dire non » à ce projet de loi.
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