CE N’EST PAS la première salve du Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (SYNGOF) contre la reconnaissance de « qualification » des médecins à diplôme étranger, mais celle-ci est nourrie.
Le Dr Jean Marty, président, pourfend les conditions dans lesquelles les commissions de qualification (placées auprès de l’Ordre) rendent leurs avis sur les dossiers déposés dans chaque spécialité par des candidats hors Europe. « Ce n’est pas un avis médical qu’on leur demande de rendre, c’est un avis purement administratif », affirme-t-il au « Quotidien ». Le gynécologue assure que, bien que n’y siégeant pas lui-même, les membres de la commission de qualification en gynécologie obstétrique sont « fatigués de jouer ce jeu de la tombola de la reconnaissance des qualifications ». Ils ont prévu d’alerter le ministère de la Santé, assure-t-il.
Des praticiens sans expérience ?
Selon les textes en vigueur, les candidats hors Europe peuvent demander et éventuellement obtenir une reconnaissance de qualification de spécialité en France sans être titulaires d’un diplôme français, sous réserve d’avoir reçu une formation de spécialiste dans leur pays d’origine ou d’avoir validé une formation française non qualifiante (comme les diplômes interuniversitaires de spécialisation). C’est là que le bât blesse.
« Ces médecins étrangers n’ont parfois aucune expérience même s’ils remplissent les obligations administratives formelles, assène le patron du SYNGOF. Parfois, les chefs de service ne leur ont confié aucune responsabilité parce qu’ils n’en sont pas capables. Mais officiellement, ces candidats ont fait le stage ». Le Dr Marty n’hésite pas à faire le lien entre l’origine du diplôme et certains indicateurs de santé publique. « Dans certaines zones d’Ile-de-France et des DOM-TOM, la mortalité maternelle postnatale est en partie évitable, poursuit-il. Elle est imputable aux conditions dans lesquelles ces reconnaissances de qualification sont accordées ».
Si les accusations sont graves, la préoccupation du SYNGOF est partagée par d’autres leaders syndicaux. Lors d’une récente journée du Centre national des professions de santé (CNPS, libéraux) consacrée à la formation, le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, avait mis les pieds dans le plat : « On continue de sélectionner de façon drastique nos étudiants et en même temps, on fait rentrer des centaines de praticiens à diplôme extra-européen. Ce n’est pas politiquement correct d’en parler mais c’est un sujet ! », avait-il indiqué.
Au Syndicat national des anesthésistes-réanimateurs de France (SNARF), la tonalité est la même. « Ceux qui se présentent devant la commission ont de grandes chances d’être reçus », indique le Dr Michel Lévy, président d’honneur, tout en reconnaissant que, parmi ces praticiens, « beaucoup sont de qualité ».
Qualités professionnelles.
Selon des statistiques ordinales, les commissions d’autorisation d’exercice (PAE), sous l’égide du ministère, ont examiné 803 dossiers en 2012 toutes spécialités confondues. Parmi eux, 629 (75 %) ont reçu un avis favorable et 174 (21 %) un avis défavorable. Enfin, 32 praticiens (4 %) ont obtenu un sursis à statuer. Certaines spécialités obtiennent des scores impressionnants, comme la gynécologie obstétrique. Sur l’année 2012, sur 32 dossiers examinés, 31 ont reçu un avis favorable, le dernier ayant écopé d’un sursis. À l’inverse, pour la spécialité de cardiologie et maladies vasculaires, sur 36 dossiers, 18 ont reçu un avis favorable, 14 un avis défavorable, et 4 un sursis.
L’offensive du SYNGOF a fait bondir la Fédération des praticiens de santé (FPS) qui regroupe les médecins à diplôme hors UE et qui récuse le procès en incompétence fait à certains médecins. « Les propos du Dr Marty sont inadmissibles, réagit le Dr Jamil Amhis, président de la FPS. Il remet en cause quinze années de travail visant à réguler le flux de ces praticiens dont la reconnaissance est basée sur les qualités professionnelles et scientifiques, et non pas sur des critères subjectifs. Si ces praticiens étaient si mauvais, ils auraient été renvoyés des établissements publics ». Pas rancunier, le Dr Amhis invite le SYNGOF à débattre de ce sujet lors de son congrès qui se tiendra le 16 novembre.
La présidente de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) n’est pas plus tendre. « Les loups sont de sortie » estime le Dr Rachel Bocher. Elle rappelle que les critères de qualité exigés ne sont pas édictés « à tort et à travers » et juge que certains propos « ne font pas honneur à la profession ». Pour elle, les assertions du président du SYNGOF signifient qu’il veut bien accepter ces praticiens tant qu’ils se cantonnent à des rôles « d’esclaves modernes », mais pas « en tant que médecin à part entière ».
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