Les médecins généralistes libéraux de Charente sont en colère. Depuis le 1er mai, les 180 omnipraticiens charentais, âgés en moyenne de 58 ans, sont à nouveau réquisitionnés en soirée pour assurer des gardes de 20 heures à minuit dans les quatorze secteurs du département. Ces arrêtés de réquisition exaspèrent les praticiens concernés, qui refusent d'assurer les gardes pendant l'intégralité de cette tranche d'horaires, dans un contexte de démographie médicale en grande souffrance (qui rend déjà difficile la continuité des soins en journée).
« Nous sommes d'accord pour reprendre les gardes mais jusqu'à 22 heures, explique au « Quotidien » le Dr Alain Thiburce, généraliste à Cognac et président de l'Association des médecins effecteurs de la permanence des soins de la Charente (Ameps). Après cette heure, il y a très peu d'appels. La régulation de médecine générale est suffisante pour faire des conseils ou envoyer les patients vers les urgences ». Un mouvement de grève avait été lancé au début du mois de mai mais, finalement, les médecins ont décidé de l'arrêter « pour les patients », selon l'association.
Travailler jusqu'à minuit… après 12 h de consultation
« La démographie médicale est déclinante dans le département, ajoute le Dr Thiburce. À Cognac, nous sommes 21 généralistes. Deux vont partir fin juin, deux autres en début d'année prochaine et sept en 2020 ! Et aucune installation à l'horizon. Alors après 12 heures de consultation, on nous demande de travailler jusqu'à minuit, ce n'est pas possible. »
Ce mouvement d'exaspération est soutenu par la CSMF Charente. Selon le Dr Pierre Philippe Brunet, président de la CSMF 16, le conflit avec l'ARS Nouvelle Aquitaine a commencé… en 2005. Dès cette année, des solutions ont été mises sur la table comme la construction d'une maison médicale de garde ou la participation des libéraux aux gardes les week-ends et jours fériés au centre hospitalier intercommunal de Cognac. « Mais rien n'a été accepté par les tutelles. En réponse, il y a eu des arrêtés de réquisition en 2006 », raconte le médecin généraliste.
En novembre 2016, lors d'une réunion du comité départemental de l'aide médicale urgente, de la PDS et des transports sanitaires (CODAMUPS), une solution aurait été proposée et acceptée par les 16 membres du comité sur 19. « Les médecins libéraux acceptent de faire les gardes jusqu'à 22 heures. Mais refus de l'ARS et reprise des réquisitions en 2016, 2017 », se désole le Dr Thiburce.
Courrier au préfet
Interrogée par « le Quotidien » sur ce sujet récurrent de crispation, l'ARS Nouvelle-Aquitaine reste droite dans ses bottes. « Le maintien de la plage 20 h-24 h est de nature à répondre à une demande de prise en charge en soins de proximité et cela évite un passage aux urgences dans un certain nombre de situations », fait valoir Atika Uhel, la directrice départementale de l’ARS.
Citant la Creuse et la Corrèze, deux autres départements de la région qui connaissent les mêmes difficultés de désertification médicale, l'ARS propose aux médecins libéraux d'avoir une sectorisation différente les soirs de semaine (secteurs plus étendus, ce qui permettrait des tours de garde plus espacés).
Mais cette solution est balayée par le Dr Thiburce, au nom des généralistes charentais. L'association a écrit début juin au préfet pour réclamer l'arrêt des réquisitions. Elle propose la mise en place d'une expérimentation pendant six mois avec l'arrêt des gardes à 22 heures et une participation des urgentistes à compter de cet horaire. « Si on propose aux urgentistes de les décharger entre 19 heures et 22 heures, ils accepteront. Nous avons fait cette proposition à l'ARS mais elle n'a rien voulu entendre ! », déplore le médecin généraliste. Le dialogue de sourds continue.
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