Plus de 60 % des urgentistes seraient en burn-out après le Covid, selon une étude internationale

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Publié le 30/05/2022
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Crédit photo : Phanie

62 % des urgentistes souffrent d’au moins un symptôme du burn-out (voire deux pour 31 % d’entre eux), selon une enquête de la Société européenne de médecine d'urgence (Eusem) auprès de professionnels dans 89 pays (87 % des réponses venant d'Europe).

Publiée dans l'« European Journal of Emergency Medicine », l’enquête souligne que la pandémie a exacerbé les difficultés et souffrances chroniques auxquelles sont confrontés les spécialistes de la médecine d’urgence, qu'il s'agisse du manque de personnel, des moyens limités, du manque de reconnaissance ou encore des contraintes horaires et de la pénibilité dans ces services. Ces résultats se rapprochent de ceux d’une étude récente de « Medscape » montrant qu'entre 2019 et 2021, le taux d'épuisement profesionnel est passé de 47 % à 60 % chez les urgentistes aux États-Unis. 

En première ligne durant la crise

Entre mi-janvier et mi-février 2022, les auteurs ont sollicité quelque 20 000 professionnels de l'urgence. Au total, 1 925 d’entre eux – dont 83 % de médecins et 12 % d’infirmiers – ont répondu au questionnaire en ligne basé sur le test de Maslach Burn out Inventory (MBI test), une échelle mise au point dans les années 90. Le burn-out s'évalue autour des critères d'absence d'accomplissement personnel, de dépersonnalisation par rapport aux tâches quotidiennes et d'épuisement émotionnel.

L’étude souligne que l'exposition à des conditions de travail stressantes (ou l'absence d'exposition) est un « important déterminant social de la santé ». Or, il est « difficile de trouver un groupe de personnes qui ait été plus soumis au stress pendant la pandémie que les spécialistes de la médecine d'urgence », martèlent les auteurs. Ils précisent que les urgentistes ont été, plus encore que les autres blouses blanches, en première ligne durant la crise sanitaire. La charge émotionnelle, le volume d'activité imprévisible, la difficulté spécifique des conditions de travail aux urgences sont autant de facteurs aggravants.  

Les jeunes particulièrement touchés

Conséquence directe, nombre d'urgentistes concernés par le burn-out envisagent de changer de carrière, en particulier les plus jeunes. Les symptômes de burn-out concernent à cet égard 74 % de ceux qui ont moins de cinq ans d’expérience, contre 60 % de ceux ayant plus de 10 ans de métier. 

Les auteurs ajoutent qu'un tel niveau d'épuisement professionnel mériterait évaluation clinique et aide psychologique. Mais, « il est inquiétant de constater que moins de la moitié des répondants (41,4 %) déclarent avoir eu accès à un tel soutien psychologique, que ce soit en face-à-face ou à distance », alerte le Dr Abdo Khoury. Cité dans l'étude, le médecin urgentiste au CHU de Besançon, président de l’Eusem, précise que le burn-out peut conduire à « l'abus d'alcool et de drogues, voire au suicide ».

Risque accru d'erreurs médicales 

La qualité de la prise en charge des patients peut également pâtir directement de cet épuisement des urgentistes dans la période post-Covid. Le burn-out peut en effet se manifester par « une attitude distante ou indifférente au travail, ainsi que par une réduction de la productivité et de l'efficacité », ajoute le Dr Khoury, qui précise que cela peut conduire à « une augmentation des erreurs médicales »

Dans ce contexte, il devient « urgent » de prendre des mesures ciblées pour réduire l'épuisement professionnel des urgentistes. Hélas, alerte le praticien du CHU de Besançon « peu d'entre elles semblent être mises en œuvre », alors que « la pandémie a montré combien ces mesures sont essentielles »


Source : lequotidiendumedecin.fr