Malgré le déconfinement et l'infléchissement de la courbe épidémique, le retour à un niveau d'activité normal n'est pas aisé pour les établissements. Le Dr Simon Marmor, directeur médical du groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon (privé non lucratif), explique les difficultés à se réorganiser tout en anticipant une seconde vague épidémique.
LE QUOTIDIEN : Comment votre établissement s'est-il adapté pour faire face à l'épidémie ?
Dr SIMON MARMOR : Nous nous sommes concentrés sur trois redimensionnements. D'abord, nous avons triplé notre capacité de réanimation. En une semaine, nous sommes passés de 8 à 29 lits ventilés. Progressivement, nous avons ouvert trois unités dédiées à la prise en charge des patients contaminés grâce à l'aide des médecins dont l'activité a été suspendue. Enfin, nous avons créé un bâtiment dédié à l'accueil ambulatoire des suspicions Covid. Cela a permis de trier les patients selon leur gravité.
Dès les premiers jours, il a fallu annuler tous les soins non urgents. Les activités de chirurgie, de rhumatologie, de médecine interne et la PMA ont été complètement arrêtées. L'endoscopie a été très fortement réduite ainsi que la proctologie. Seule la maternité, les soins palliatifs et l'oncologie ont été maintenus. Aux urgences, nous avons constaté une baisse d'activité de l'ordre de 50 %.
Êtes-vous prêt pour un retour à une activité normale ?
Le retour à la normale est très complexe à mettre en œuvre. Pour l'instant, nous nous préparons pour le 11 mai. On sécurise les circuits : une zone de filtre a été mise en place à l'accueil, les masques sont obligatoires pour tous les patients et les accompagnants, nous proposons dans la mesure du possible des chambres individuelles pour limiter le risque de contamination croisée. Enfin, nous mettons en place un dépistage systématique pour tous les patients hospitalisés. On s'attend à 10 % de positivité.
Dans la phase actuelle, nous essayons d'accueillir tous les patients qui ont été décalés en début de crise. On évalue à environ 300 le nombre de malades qui doivent être pris en charge dans les deux à trois mois pour éviter une perte de chance. Nos priorités sont la cancérologie, puis le dépistage et enfin les pathologies fonctionnelles.
Mais il faut être capable de faire machine arrière à tout moment. Courant juin, une deuxième vague de patients Covid liée au déconfinement pourrait arriver. La population doit apprendre à vivre avec le virus. Et les hôpitaux doivent apprendre à soigner avec le Covid-19. Il faut réinventer toutes nos organisations. Car cette épidémie va durer encore plusieurs mois, sauf bonne surprise.
Quels sont les freins pour la reprise d'activité ?
Nous avons une inquiétude forte sur les médicaments. Cinq molécules ont été préemptées par l'État qui alimente les hôpitaux en fonction de leur activité en réanimation et en soins palliatifs. Or ces médicaments sont aussi utilisés dans l'activité chirurgicale courante et on ne sait pas si notre dotation nous permettra de soigner les patients hors Covid. La question des ressources humaines se pose aussi pour les établissements comme le nôtre qui ont encore des réanimations pleines.
Certaines cliniques privées qui n'ont pas ouvert d'activité de soins critiques piaffent d'impatience et prévoient de reprendre leur activité comme un boulet de canon. Je les comprends parfaitement. Mais les recommandations de l'ARS [agence régionale de santé, NDLR] préconisent uniquement la prise en charge des soins urgents, semi-urgents et des pathologies chroniques. Seulement, tout le monde n'a pas la même définition de l'acte urgent ou semi-urgent. Il faut que l'ARS soit beaucoup plus directive. Pour l'instant nous sommes dans l'interprétation. Il ne faudrait pas qu'il y ait un décalage d'action qui transforme la belle unité du système qui a permis de tenir face à la vague en retour à une dispersion des trois secteurs.
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