« AVEC LES URGENCES classiques et en plus la grippe, on est surbooké. Pour avoir des informations, voyez avec la direction de l’hôpital », s’entend-on répondre aux urgences du Centre hospitalier régional de la Réunion. La direction, elle, renvoie sur la préfecture, détentrice d’une liste de médecins « habilités » à parler à la presse.
Ce réanimateur travaille sur l’un des deux sites du CHR, à Saint-Pierre. Il accepte de s’exprimer sans habilitation, si son nom n’est pas cité. « Depuis l’épidémie de chikungunya, les autorités n’aiment pas trop que les médecins passent des messages non validés. Pourtant, la situation concerne tout le monde. Sur Saint-Pierre, nous avons à ce jour (le 27 août, NDLR) trois cas confirmés de grippe A, dont deux toujours hospitalisés pour défaillance respiratoire – notamment une jeune femme de 23 ans sans antécédent ».
Sur l’autre site du CHR de la Réunion, à Saint-Denis, le service de réanimation héberge deux cas de grippe A et un cas de grippe B (la grippe saisonnière). Tous intubés et ventilés. Quelques cas non confirmés sont hospitalisés dans le sud de l’île. Le nombre de consultations a augmenté en ville comme à l’hôpital, « mais ce n’est pas un raz-de-marée », nuance le Dr Bernard Gauzere, autre réanimateur au CHR de la Réunion. Rien à voir, dit-il, avec la Nouvelle-Calédonie, qui compte plusieurs cas graves sous respirateur. Rien à voir non plus avec le chikungunya, qui avait touché 38 % de la population en quelques semaines, en laissant des séquelles. Reste que les marges de manuvre réunionnaises sont faibles. « Les 40 lits de réanimation adulte de l’île – pour 800 000 habitants – sont pleins à longueur d’année. Si la situation s’aggrave, il nous faudra du renfort en personnel et en matériel », estime le Dr Gauzere. Ce que Roselyne Bachelot est venue annoncer vendredi dernier.
Manque de bras.
En plein hiver austral, les équipes s’organisent pour faire face à un pic épidémique. À ce jour, 22 500 cas ont été recensés à la Réunion. Des lits, des respirateurs et des scopes sont attendus ces jours-ci. Une consultation spécifique a été ouverte en pédiatrie, au CHR. Jusque-là, tout va bien. Plus encore que le manque de matériel, c’est le manque de bras qui inquiète. « On craint tous de tomber malade, reprend le premier réanimateur . Pour le moment, on tient les plannings. Les médecins s’organisent sans trop se poser de questions. Les paramédicaux sont plus inquiets que nous, à l’idée de contaminer leurs enfants. »
Inquiets, aussi, à l’idée d’être pris en défaut faute d’effectifs suffisants. Marina Aufauvre est infirmière à l’hôpital psychiatrique de la Réunion. Elle résiste, mais ses collègues, les uns après les autres, partent en arrêt-maladie. « Dans tous les pavillons c’est la galère, relate-t-elle. On tourne en effectif réduit. Dans mon unité, qui accueille les suicidants, il faut deux infirmiers en permanence, or ce matin j’étais seule. On n’est pas à l’abri d’un passage à l’acte sous nos yeux, j’ai eu de la chance que tout se passe bien ».
Plus au nord dans l’Océan Indien, Mayotte, avec 22 cas positifs recensés (le 27 août), est pour le moment épargnée. Les arrêts de travail pour raison grippale sont rares, les ambulances et le numéro spécial en place (603.603) sont peu sollicités. Mais l’épidémie peut flamber d’un coup. « Le dispositif est prêt, rassure une personne de la direction de l’établissement public de santé territorial de Mamoudzou . Les affiches sont partout, les masques sont en réserve dans les services, et les équipes sont briefées ». En cas de fort afflux, l’hôpital reverra ses priorités. « Il faudra réduire, voire arrêter la chirurgie programmée, reprend la responsable . L’objectif est de maintenir une permanence des soins sans imposer d’heures supplémentaires au personnel. Nous redoutons que le personnel tombe malade. Là, il y aura sans doute des réquisitions. »
Les cabinets pris d’assaut.
À Tahiti, où l’épidémie se propage depuis quatre semaines, les médecins sont sur le pont, à l’hôpital comme en ville. « Tous les cabinets sont pris d’assaut », témoigne le Dr Romain Bournainnié, remplaçant sur la côte ouest de l’île, à Paea. Ce jeune généraliste enchaîne les journées de douze heures depuis la rentrée des classes, il y a quinze jours. Parmi les mères et les enfants qui défilent, certains ont la grippe, d’autres une simple toux. Des masques sont à disposition dans la salle d’attente. « La propagation a été très rapide au sein des familles, raconte le praticien . Je rassure les gens en leur disant que la grippe A n’est pas plus grave qu’une grippe classique. Et puis ici, il y a la dengue, ça fait relativiser. »
S’il n’est pas alarmiste, le Dr Bournainnié déplore cependant un manque d’information. « Ce n’est pas facile de gérer la prescription du Tamiflu pour les enfants de moins de 1 an, dit-il. Pas facile non plus de fixer la durée des arrêts-maladie pour les enfants : huit jours, ou jusqu’à la fin de la toux ? C’est un peu le flou. » Le généraliste cherche sur Internet, il appelle régulièrement l’hôpital.
En Polynésie, les spécialistes tablent sur encore quatre semaines d’épidémie. Des renforts humais et matériels ont été envoyés la semaine dernière. Localement, les médecins libéraux ont renforcé leur dispositif de garde, pour faire face à un éventuel nouveau pic.
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