DEUX MOIS après le séisme, les couloirs de l’hôpital Sainte-Thérèse sont toujours bondés. Les locaux trop exigus accueillent une maternité, une consultation VIH financée par le programme Pepfar, deux blocs opératoires, un service de pédiatrie, des lits d’hospitalisation adulte, un laboratoire, un service de radiologie, une pharmacie, un service d’urgence ouvert 24 heures/24, des salles de consultation où 3 ou 4 médecins haïtiens et cubains reçoivent les patients sans aucune intimité, sans compter la partie réservée à l’administration et la salle d’attente.
Pour pallier le manque de place, l’association GAMAH a installé deux tentes dans la cour près des urgences. Stéphane et René, de l’ONG Mars, ont été d’une aide précieuse. L’équipe, dont une partie est restée au dispensaire de Paillant, s’est divisée en petits groupes. Les deux généralistes, les Drs Christian Grégoire et Françoise Darnaudet, assurent les consultations adulte dans l’une des tentes, tandis que Lucile Warrick, 25 ans, la sage-femme, s’occupe dans l’autre des consultations gynécologiques. Un étudiant haïtien en 6 e année de médecine, Gary Joseph, les aide.
Paludisme, suspicion de tuberculose, gale, maladies de peau, infections génitales nombreuses sont désormais les pathologies les plus fréquemment rencontrées. Les consultations obstétricales sont nombreuses. Certains patients viennent spontanément montrer leur radio à Yves Chouteau, l’orthopédiste. Un père dont le fils a eu la mâchoire fracturée au moment du séisme s’inquiète parce qu’une fracture du bras avait été détectée et que les chirurgiens américains qui l’ont pris en charge n’avaient rien fait. Yves Chouteau le rassure, « La fracture de la mâchoire a très bien été soignée. Pour le bras, il n’y avait rien à faire ». Un homme d’une quarantaine d’années vient pour une fracture du poignet survenue aussi pendant le tremblement de terre. Il n’avait jamais consulté et avait continué à travailler. Il est agriculteur. « C’est une grosse fracture articulaire avec enfoncement et déformation du poignet. La perte de la flexion est de 50 % », lui explique le chirurgien. Là aussi, il n’y a plus rien à faire. En revanche, le jeune homme qui s’est présenté avec une fracture de la jambe avec ostéite et nécrose a besoin de son aide. L’opération est prévue dans deux ou trois jours.
Problèmes d’hygiène.
Les relations se tissent progressivement avec l’équipe soignante locale, même si des tensions sont apparues avec l’équipe cubaine qui opère au bloc. La salle d’opération reste un des points noirs de l’établissement, notamment du point de vue de l’organisation et de l’hygiène. Le Dr Jean-Marie Bernard, le président de GAMAH, déplore d’ailleurs un manquement général à l’hygiène dans et à l’extérieur de l’hôpital : « L’espace à l’arrière est jonché de détritus, avec de l’eau stagnante et saumâtre qu’il faudrait assécher. » Les familles s’y baignent sous le regard parfois des cabris. Cela fait partie des améliorations suggérées au directeur. « Nous devons organiser avec eux », insiste-t-il. De ce point de vue, le rôle de Bernard Girard, l’ancien directeur d’hôpital, est essentiel. Des réunions régulières sont organisées avec le directeur sanitaire ou le préfet (appelé délégué, à Haïti) du département.
La question des moyens est critique. La gratuité des soins dans tous les établissements publics de l’île, du 12 février au 12 avril, décision prise par le gouvernement « sous le coup de l’émotion et de la pression internationale », explique le directeur, met les hôpitaux dans une situation difficile. Car une grande partie des recettes vient des consultations, seuls les médicaments étant fournis aux établissements.
En dépit de ses difficultés, l’hôpital de Sainte-Thérèse continue de fonctionner. Et assure urgences et accouchements 24 heures sur 24, quoi qu’il arrive. Le Dr Grégoire a aidé Jean-Marie Bernard à faire une trachéotomie en urgence chez un enfant amené en détresse respiratoire aiguë dans des conditions difficiles. « J’aime bien le bloc et j’y ai été souvent. Avant de partir, j’y ai passé une journée pour me familiariser de nouveau avec les instruments, les intubations, les cathéters. Cela m’a été utile », précise-il en souriant. « Il n’est pas question d’arriver en cow-boys », conclut-il. Le lendemain, le petit garçon allait bien et a été transféré au Cayes.
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