Instaurée en février 2016 par la loi Claeys-Leonetti (1), la sédation profonde et continue jusqu’au décès « peine à se mettre en place », conclut un rapport du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie. Le groupe de travail pluridisciplinaire mandaté par le Centre pour ce rapport a planché pendant 18 mois sous la direction du Pr René Robert, réanimateur et vice-président du Centre. « On sent une certaine frilosité des équipes soignantes à la mettre en œuvre, engendrant de l’incompréhension, voire parfois de la colère chez les familles qui ont essayé de l’obtenir pour leur proche en fin de vie », souligne le rapport.
Les ambiguïtés de la loi
Une partie des réticences des médecins viendrait de l’ambiguïté des termes de la loi. Cette dernière « amène de nombreuses précisions techniques qui exposent à la dispute », souligne Claire Nihoul-Fekete, chirurgien pédiatre, professeur émérite et chef de service honoraire de l’hôpital Necker-Enfants malades. « La loi donne par exemple aux médecins le pouvoir de définir les symptômes réfractaires. C’est une erreur », juge-t-elle. Par ailleurs, « si la mort survient trop vite, on accuse les médecins d’euthanasie. La confusion entre les deux pratiques est inévitable. C’est une grande hypocrisie de cette loi », poursuit la chirurgienne qui a participé au groupe de travail.
Autre paradoxe soulevé par les auteurs du rapport, la mise en œuvre de la sédation profonde et continue jusqu’au décès est confiée aux experts en soins palliatifs, dont un certain nombre « sont réservés vis-à-vis de cette pratique, estimant qu’elle n’est pas la plus conforme à l’accompagnement qu’ils souhaitent apporter aux patients en fin de vie », souligne le rapport. « Il y a un défaut de reconnaissance des convictions des praticiens », estime Michèle Levy-Soussan, médecin de soins palliatifs, responsable de l’équipe mobile de soins palliatifs de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Dans ce contexte, « la demande du patient, qui peut se manifester sous différentes formes, doit être centrale. Il ne faut pas attendre, comme certains, une demande "dans les clous" », poursuit-elle.
Débattre et former
La parole des patients peut également être perçue comme une violence par les médecins. « C’est compliqué pour un soignant d’entendre que le patient veut rompre le lien. Cette responsabilité peut se révéler insupportable », commente Valérie Mesnage, neurologue à l’hôpital Saint-Antoine. En conséquence de ces difficultés de mise en œuvre, des patients, de plus en plus nombreux, font le voyage en Belgique ou en Suisse. « On constate un afflux de patients français à qui la sédation profonde et continue a été refusée. Ces patients arrivent avec un courrier de leur médecin », observe François Damas, réanimateur, chef de service adjoint des soins intensifs au Centre hospitalier régional de la Citadelle, à Liège, en Belgique.
Parmi les pistes avancées pour améliorer la mise en œuvre des dispositions de la loi Clayes-Leonetti, le groupe de travail suggère de débattre des ambiguïtés de la loi, mais aussi d’intensifier les actions de formation ou encore de mettre en place un système d’astreinte téléphonique pour offrir collégialité et coaching technique sur l’ensemble du territoire.
(1) Ce que dit la loi : « Les patients atteints d’une maladie grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme et présentant des douleurs réfractaires aux traitements, ainsi que ceux qui demandent que soit interrompu un traitement vital et craignent l’apparition de douleurs réfractaires, ont le droit de recevoir, à leur demande, une sédation profonde et continue jusqu’au décès. Chez un patient qui ne peut pas exprimer sa volonté, le médecin se doit de mettre en œuvre une sédation profonde et continue jusqu’au décès en accompagnement de la procédure d’arrêt thérapeutique au titre du refus de l’obstination déraisonnable, sauf si le patient s’y est opposé dans ses directives anticipées. Cette disposition ne s’applique pas en situation d’urgence et un médecin trouvant la demande du patient disproportionnée par rapport à son état peut refuser de l’honorer, à condition que ce refus soit collégial et consigné de façon argumentée dans le dossier du patient. »
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