Depuis le 1er octobre, hôpitaux et cliniques découvrent au fil de l'eau les conséquences d'une réforme décidée il y a deux ans, dans le cadre du budget de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2017.
Initialement reportée, mais désormais en vigueur, cette mesure transfère aux seuls établissements de santé (à l'origine de la precription) la prise en charge financière des frais de transports sanitaires inter-hospitaliers, coût partagé jusque-là entre la ville et l'hôpital. Désormais, la douloureuse est donc à la charge des établissements prescripteurs, l'idée étant de les responsabiliser.
Dans une note de mars 2018 relative aux modalités d'application de cette réforme, la direction générale de l'offre de soins (DGOS, ministère de la Santé) fixe le cadre : « Tout transport d'un patient déjà hospitalisé n'est plus facturable à l'assurance-maladie mais pris en charge par l'établissement prescripteur », à quelques exceptions notables (transports SMUR, depuis ou vers un EHPAD, patients non hospitalisés, dans le cadre de l'aide médicale d'urgence, etc.).
Sur le papier, l'enjeu est double : pour les établissements, il s'agit de « mieux structurer leur commande et favoriser une meilleure adéquation entre mode de transport et état de santé », précise la DGOS. Pour l'assurance-maladie, il s'agit de faire des économies sur l'efficience des prescriptions de transports (135 millions attendus en 2019), un poste dynamique.
Amateurisme
Mais ce transfert de charge financière passe mal. D'une même voix, les quatre fédérations hospitalières (FHF, FHP, FEHAP et Unicancer) appellent à un report de la réforme. En cause, le manque de visibilité sur l'impact de cette mesure et l'absence de « garantie d'une compensation complète », situation ingérable dans un contexte économique déjà difficile.
Les établissements de santé craignent d'être floués dans l'opération. « Aujourd'hui, le périmètre et le montant de l'enveloppe [transférée] ne sont pas clairement définis par les pouvoirs publics », alertent les fédérations. Également saisis, les députés de l'opposition ont déposé plusieurs amendements au budget de la Sécu 2019, actuellement en examen. Ils réclament une évaluation de la réforme et davantage de visibilité sur la part que représentent les transports dans les tarifs et dotations des établissements.
La complexité du nouveau dispositif fait tousser le secteur. Pour Ségolène Benhamou, présidente de la FHP-MCO, « l'usine à gaz » qu'impose ce transfert des coûts de transports conduit déjà les établissements à des « aberrations organisationnelles, financières, voire à des modifications dans le parcours du patient », par exemple dans le suivi post-hospitalisation (SSR, psychiatrie...). Elle appelle les cliniques à faire remonter les situations de blocage et plaide pour une clarification de ce modèle lors de la prochaine campagne tarifaire, en mars 2019. « De mémoire de syndicaliste, on n'a jamais vu une réforme aussi mal pensée, mal préparée, mal évaluée », peste la PDG de l'Hôpital privé nord parisien (Sarcelles, Val-d'Oise).
Perte de chance ?
Le Dr Jérôme Marty, président de l'Union française pour une médecine libre (UFML), juge que cette réforme revient ni plus ni moins à « donner le sale boulot aux établissements » et pénalisera les patients. Lui-même directeur d'un établissement privé de soins de suite et de réadaptation (SSR), le généraliste a constaté certaines dérives sur le terrain. « On commence à voir des patients arriver en véhicule sanitaire léger ou en taxi là où ils devraient avoir une ambulance ». Le médecin craint un retard de consultation pour les patients en hospitalisation de longue durée. « On risque de voir les établissements repousser les consultations non urgentes jusqu'à la sortie d'hospitalisation du patient de façon à ne pas prendre en charge le transport », prédit-il.
Pour Thierry Schifano, président de la Fédération nationale des transporteurs sanitaires (FNTS), cette réforme pourrait entraîner des dysfonctionnements et des dérives. « On a déjà vu certains établissements imposer cinq personnes par véhicule alors que la limite est à trois sur les transports assis », témoigne le patron des ambulances. L'autre inquiétude est relative à l'attribution des marchés. L'activité des transports sanitaires attribuée par généralisation des appels d’offres conduirait à une forme de dumping social à laquelle seuls les très grands groupes pourront résister, certaines petites entreprises ou indépendantes étant lésées.
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