LE QUOTIDIEN - L’hôpital a beaucoup fait parler de lui ces derniers jours. Pas forcément en bien. Comment analysez-vous cette médiatisation soudaine ?
GÉRARD VINCENT - Peut-être une actualité un peu basse a-t-elle incité les médias à monter ce sujet en épingle… Et puis certains ont exploité des situations qui d’ordinaire passent inaperçues en faisant, eux aussi, monter la mayonnaise. Tout ceci est en grande partie orchestré.
Entre ceux qui dénoncent des manuvres de désinformation et plaident les erreurs humaines en série - la faute à pas de chance, finalement - et ceux qui stigmatisent le manque des moyens des hôpitaux, comment s’y retrouver ?
Le problème, c’est que pendant les fêtes, même si l’activité globale de l’hôpital est en baisse, il y a souvent un pic d’activité aux urgences tandis que les personnels aspirent légitimement à partir en vacances. Cette configuration, qui n’est pas du tout la même l’été, fait qu’il y a des tensions dans les hôpitaux à chaque fin d’année. La situation est symptomatique : c’est grandeur et misère du service public. Je note au passage que les cliniques privées n’ont pas ce genre de problème. Elles ferment. Point. Elles donnent congé aux chirurgiens, aux personnels. À l’hôpital public d’assurer la continuité et la sécurité des soins dans ce moment difficile. Après, il y a forcément des erreurs humaines et il y en aura toujours même s’il faut les éviter au maximum.
Je ne fais pas plus que d’habitude de lien entre manque de moyens et fautes paramédicales ou médicales - ce qui ne veut pas dire que les deux ne peuvent pas être liés.
Les problèmes de l’hôpital se résument-ils à une question d’organisation ?
Là aussi, c’est trop facile. On ne peut pas accepter les propos d’Éric Wrth quand il affirme, pour schématiser, que l’hôpital est plein aux as mais qu’il est mal géré (sous-entendu par les directeurs, les chefs de pôle, les chefs de service, les cadres infirmiers…). La situation de l’hôpital se dégrade, on ne peut pas le nier. Cela fait des années que les établissements accumulent les déficits. Le phénomène a longtemps été masqué par le jeu sur les provisions mais c’est fini. Aujourd’hui, pour être dans les clous, les hôpitaux sont obligés de réduire leur personnel, il leur faut supprimer des emplois. Je ne dis pas que tous les hôpitaux doivent garder tous les effectifs actuels. Il n’est à mon sens pas choquant dans un système de T2A [tarification à l’activité], que ceux qui ont plus de moyens s’alignent sur une moyenne ou une médiane tandis que ceux qui en ont moins rattrapent cette même moyenne ou médiane. Mais si on regarde ce qu’il faut pour maintenir l’existant au niveau national - ce pour quoi nous plaidons à la FHF - et ce qu’on nous nous donne via l’ONDAM [objectif national des dépenses d’assurance-maladie], on constate des écarts de 750 millions d’euros en 2007, de 800 millions ou, plus probablement, 1 milliard d’euros en 2008, et on part d’ores et déjà en 2009 avec un handicap de 500 millions d’euros.
Si la France ne peut pas financer le maintien de l’existant - et après tout, à l’impossible nul n’est tenu, le gouvernement ne peut pas donner de l’argent qu’il n’a pas -, alors il faut que le gouvernement accepte de dire qu’il faut supprimer des emplois. Sinon, si on dit aux hospitaliers « vous avez assez d’argent (voire trop) mais vous l’utilisez mal parce que vous êtes mal organisés », c’est de la politique politicienne. On est dans les injonctions contradictoires, l’hypocrisie la plus totale.
Quelle que soit la lecture des événements, la loi Bachelot suffira-t-elle à rétablir la situation ?
Non, non, et non. Le projet de loi ne règle pas le problème budgétaire de l’hôpital même si les concepts d’efficience, de gains de productivité ne lui sont pas étrangers. Les communautés hospitalières de territoires (CHT), par exemple, ont entre autres pour but d’éviter les doublons. Pour être précis, ces CHT ont trois objectifs : élaborer d’un projet stratégique - et donc médical - commun sur un territoire de santé ; réaliser des gains de productivité sur toutes les fonctions supports ou logistiques des hôpitaux qui les constituent - je pense à la cuisine, à la chaufferie, mais aussi, par exemple, aux laboratoires ; mutualiser les ressources rares et en particulier les médecins.
Les perspectives budgétaires, vous l’affirmez, ne sont pas bonnes pour les hôpitaux. Êtes-vous pessimiste ?
Ma devise aujourd’hui, c’est « plaie d’argent n’est pas mortelle ». L’hôpital est un service tellement essentiel, c’est un tel amortisseur de crise que l’avenir est devant lui. Il y aura bien un jour où il faudra remettre les pendules à l’heure mais apparemment, ce jour n’est pas arrivé. On reste en pleine politique de l’autruche.
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