L'objectif de 70 % en 2022 inatteignable

La chirurgie ambulatoire traîne encore des boulets au pied

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Publié le 04/02/2019
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Apôtre de la chirurgie ambulatoire depuis 20 ans, le Pr Corinne Vons hésite entre agacement et lassitude quand elle doit expliquer pourquoi cette pratique médicale est aujourd'hui freinée dans sa progression. Au point de remettre en cause l'objectif du gouvernement d'atteindre 70 % de taux de recours national en 2022. 

Autorisée en France depuis 1992, la chirurgie ambulatoire est définie par un temps d’hospitalisation inférieur à 12 heures, sans nuitée. En 2017, le taux national était de 55,9 % contre 54,1 % en 2016, soit une progression de 1,8 point. Plus de 3,5 millions de séjours ont été réalisés sous cette forme, soit 152 000 séjours de plus qu'en 2016.

Cette croissance est en trompe l'œil. « Malgré cette progression, nous avons l'impression d'un tassement dans la pratique, sans savoir encore si le ralentissement va se confirmer,  a alerté la présidente de l'Association française de chirurgie ambulatoire (AFCA), lors des dernières journées nationales du secteur. Une chose est sûre : 70 % en 2022, ce n’est pas gagné du tout, et on le regrette ! »

Le chirurgien digestif peste contre le manque d'incitations financières nouvelles pour doper cette pratique, alors que 210 millions d'euros d'économies sont attendus en 2019 par le virage ambulatoire (qui va au-delà de la seule chirurgie).

Score de sévérité

Pour le Pr Vons, des résistances politiques existent également. L'AFCA bataille pour obtenir le feu vert à la création de centres ambulatoires autonomes, structures physiquement détachées des établissements. « On aurait ainsi un vrai modèle médico-économique mais les cliniques [leaders sur la chirurgie ambulatoire, NDLR] ne l'entendent pas de cette oreille », déplore le Pr Vons.

L'exclusion de la chirurgie ambulatoire du paiement global à l'épisode de soins (prévue par l'article 51 de la loi Sécu 2018) est une autre occasion manquée. « Il faut à l'évidence financer la chirurgie ambulatoire comme un parcours, en prenant en compte le suivi à domicile, la qualité, le délai du soin et la complexité pathologique, et non à l'activité ou au séjour », défend le Dr Gilles Cuvelier. L'urologue breton plaide pour l'instauration d'un « score de sévérité ambulatoire » des patients qui permette de moduler la rémunération. 

Freins d'antan

Sans impulsion nouvelle, les freins d'hier risquent de perdurer. La chirurgie ambulatoire souffre souvent d'une organisation hospitalière inadaptée tant au niveau architectural (bloc et flux de patients communs avec la chirurgie traditionnelle, pas de marche en avant) qu'au plan administratif. « Les chirurgiens en ont assez de devoir quitter leur bloc pour signer chaque sortie de patient, à l'autre bout de l'hôpital, illustre le Pr Vons. Une infirmière pourrait tout à fait s'en charger en utilisant le score de Chung, protocole très fiable. À 9, le patient sort ! » Le retour à domicile et le suivi en ville pèchent également. La lettre de liaison systématique (que l'AFCA limiterait bien aux recommandations post-opératoires) fait souvent défaut.

Ces freins sont d'autant plus regrettables que les marges de progrès existent (cholécystectomie, hernie inguinale) et que la communauté médicale hospitalière est prête au grand saut, jure le Pr Vons. Dernier exemple : en décembre, une patiente de 54 ans souffrant d'obésité morbide est sortie de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) après un bypass gastrique moins de 12 heures après y être entrée.  

 

 

Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du médecin: 9721