LE QUOTIDIEN - Les pays de l’hémisphère nord se préparent à la pandémie. Mais où en est-on de l’élaboration des vaccins ?
Pr CATHERINE WEIL-OLIVIER - Un premier élément de réponse est la nécessité de penser au vaccin antigrippal saisonnier. Il sera disponible dès fin septembre. Il faut rappeler que les populations à risque répondant aux recommandations habituelles doivent se faire vacciner dès que possible. Avec les mesures barrière de type respiratoire et les antiviraux, les vaccins évitent les conséquences lourdes d’une pandémie grippale, telles qu’en a connues l’Histoire avec la grippe espagnole de 1918-1919. Le vaccin contre la grippe saisonnière est recommandé dès l’âge de 6 mois chez les enfants ayant des facteurs de risque. Pour les moins de 6 mois, c’est la stratégie du « cocooning », qui passe par la vaccination de l’entourage proche (BEH, avril 2009). Néanmoins, ce vaccin saisonnier, qui inclut une souche H1N1 comme d’habitude, ne protège pas contre la souche H1N1v de la pandémie.
La mise à disposition des vaccins pandémiques est l’aboutissement d’une démarche rigoureuse portant sur la qualité, ce qui demande quelques semaines. Les études d’immunogénicité utiles, en cours, prennent aussi du temps. Le schéma de deux doses à 3 semaines d’intervalle semble le plus probable. Il est vraisemblable qu’un stock conséquent de vaccins sera accessible et administrable courant octobre ou début novembre.
Le volume de production des vaccins conditionne la stratégie vaccinale. Pour l’instant, il n’est donc pas question d’une vaccination pour tous ?
Idéalement, il faudrait protéger la population dans son ensemble. C’est ce que la France a prévu à terme. Un certain nombre de réalités sont contraignantes. Les industriels ne peuvent pas produire la totalité des doses d’emblée. Il est donc nécessaire de faire des choix de groupes de population à protéger en extrême priorité.
Que sait-on des groupes à risque à vacciner en priorité en France ?
En l’état actuel de la pandémie, la protection individuelle est privilégiée. Il ne fait pas de doute qu’il faut protéger deux groupes en priorité particulièrement exposés : les femmes enceintes et les enfants jeunes. Mais c’est aussi le cas pour les personnes ayant des facteurs de risque médical de complications et les professionnels de santé. Ensuite, en fonction de l’arrivée des vaccins, il sera possible d’élargir ces recommandations. Les autorités américaines (CDC), européennes (ECDC), suisses et britanniques se sont positionnées sur le sujet.
Il faut être bien conscient que la situation est évolutive. Dans les prochaines semaines, les recommandations peuvent être réaménagées autour de trois principes : il faut protéger la population entre 5 et 50 ans, la plus touchée selon les données épidémiologiques ; les enfants de moins de 5 ans sont plus à risque d’être hospitalisés ; les caractéristiques de la pandémie à l’automne ne seront pas forcément celles de cet été. Les groupes à risque sont susceptibles d’évoluer, alors qu’ils sont déjà en partie différents par rapport à la grippe saisonnière. Par exemple, il n’était pas aussi établi que les femmes enceintes aux 2 e et 3 e trimestres de gestation et certaines comorbidités telles que l’obésité étaient à risque de formes sévères.
Les enfants sont à vacciner en priorité. Où en est le vaccin contre la grippe H1N1 pour eux ?
Nous sommes confrontés à plusieurs contraintes pour la vaccination des enfants. De façon générale, les essais cliniques sont d’abord menés chez les adultes, avant de l’être chez les enfants. Pour le vaccin pandémique antigrippal, tous les industriels se sont engagés à réaliser des études pédiatriques étagées selon l’âge, en descendant progressivement de 18 ans à 6 mois.
Faut-il se préparer à ce que le virus devienne plus virulent dans les mois à venir ?
Le virus peut devenir plus virulent, avec des manifestations cliniques plus sévères cet automne, dès septembre-octobre. On sait en effet que la première vague a le plus souvent des manifestations modérées et que la deuxième vague peut être plus grave. La maladie gagne souvent en pathogénicité avec le temps. Le virus peut également devenir plus transmissible, avec augmentation des taux d’attaques, notamment chez les enfants : il y aura alors plus de cas, plus de complications, voire de décès.
Est-ce à dire que le virus va muter ?
Les constats précédents sont indépendants des mutations, réassortiments ou recombinaisons génétiques, qui sont néanmoins susceptibles de survenir. Ces phénomènes sont en effet fréquents avec les virus grippaux, en raison de leur génome fragmenté. À ce jour, le virus qui a beaucoup circulé dans l’hémisphère sud pendant l’hiver austral n’a pas varié. Même si le virus évolue, il est possible que les vaccins pandémiques, notamment les vaccins comportant des adjuvants squalènes, puissent conserver une certaine efficacité grâce à la « cross réactivité ». Par ailleurs, un certain degré de réponse immune vis-à-vis du virus A/H1N1v a été observé chez des sujets nés avant 1957 : ils sont relativement protégés par le contact avec un virus grippal proche du A/H1N1v ayant circulé dans les années 1970. Ce qui explique la modicité actuelle de la grippe pandémique chez les sujets de 60 ans et plus.
Si l’expression de la maladie est plutôt bénigne actuellement, n’est-il alors pas préférable de l’attraper maintenant ?
Il est possible qu’une fraction (dont la taille est impossible à préciser) de la population ait déjà contracté ce virus, seuls les cas hospitalisés et les cas groupés étant diagnostiqués au laboratoire depuis cet été. Néanmoins, il est indispensable d’envisager la protection individuelle de la population, notamment des personnes les plus vulnérables.
Au-delà de cette protection individuelle, il existe l’échelon collectif. C’est un modèle épidémiologique de santé publique bien connu pour la grippe saisonnière : pic épidémique, populations contaminées, taux d’attaque. Plus la fraction de population touchée est large, plus il y a de sujets avec des complications et plus il y a de décès. Le principe « Se protéger de la grippe, ce n’est pas que se protéger soi, c’est aussi protéger les plus fragiles » s’applique aussi en période pandémique.
Si l’évaluation du vaccin prend encore du retard, est-il envisageable de sauter des étapes pour le mettre à disposition plus rapidement ?
Une fois encore, la méthodologie d’enregistrement est très stricte, notamment sur la qualité des vaccins auxquels une AMM sera accordée. Une évolution nette et brutale des caractéristiques de la situation pandémique pourrait faire que les décisions soient adaptées en conséquence et rapidement. En revanche, si la situation reste ce qu’elle a été jusque-là, les critères de qualité resteront intangibles. Cette adaptation demande de rester attentif à ce qui se passe dans les pays européens voisins et dans le monde. Force est de constater que la collaboration européenne et internationale a gagné en « maturité ».
Padhue : Yannick Neuder promet de transformer les EVC en deux temps
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne