« Il n'y a pas de bons et de mauvais individus, il y a de bonnes et de mauvaises conditions de travail. »
En intervenant devant la confédération nationale des syndicats hospitalo-universitaires, le Pr Bernard Granger, vice-président de l’association Jean-Louis Mégnien, a fait planer le souvenir du cardiologue qui a donné son nom à l'organisation de lutte contre le harcèlement moral et la maltraitance à l’hôpital. Le Pr Mégnien s'était jeté de la fenêtre de son bureau de l'Hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) en décembre 2015. Sa mort, pour le Pr Granger, « résulte d'un harcèlement moral » au sein de son service.
Très médiatisé, ce décès n'est qu'un exemple du phénomène « très répandu » de maltraitance et de harcèlement médical à l'hôpital, explique le psychiatre parisien. En deux ans, l'association a recensé plus de 450 témoignages. Le suicide du Pr Mégnien a eu pour effet de « libérer la parole » médicale et, dans certains établissements, de participer à l'instauration d'une politique de lutte contre le harcèlement, se satisfait le médecin de Cochin. « À l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), le travail a été fait », apprécie-t-il.
Âpreté du combat
Beaucoup reste à faire. Dans le monde des hospitalo-universitaires (4 300 PU-PH, 2 000 MCU-PH), on ne parle pas facilement de ce sujet. « Notre communauté a été élevée dans l'âpreté du combat mais les choses changent, commente le Pr Serge Herson. L'omerta d'alors n'est plus tolérable, il faut signaler et instruire. » Depuis un an, le spécialiste en médecine interne et immunologie clinique à la Pitié-Salpêtrière a endossé le rôle de conciliateur dans les situations conflictuelles entre praticiens à l'AP-HP. Il a vite rejeté l'idée d'une filière unique de signalements. « Lettres, conversations, mots de dénonciation, tout est bon ! », estime celui qui a été « surpris » par l'accueil « très positif » de ses pairs sur sa mission.
Selon lui, « l'humain » doit être « le premier critère dans le choix des chefs de service » pour éviter les cas de harcèlement. Ni le pouvoir, ni la renommée, ni l'adoubement du dauphin du PU-PH sur le départ. Le chef doit être évalué tous les quatre ans et nommé collégialement, insistent les hospitalo-universitaires. Cette dernière idée vient d'être reprise dans le plan santé du gouvernement.
Pour Donata Marra, présidente du Bureau interface professeurs/étudiants de Sorbonne Université, c'est la communication qui réduira les situations de conflits à l'hôpital. « L'entre soi fait que des médecins refusent d'aller en commission [médicale d'établissement] plaider leur cause, où siègent des amis de leur bourreau. Les internes craignent l'impact sur leur évaluation de stage. On touche là aux limites de la confidentialité ». Le Pr Granger milite pour une action dès la formation initiale avec la création d'un cours « d'1H30 à 2 heures pour apprendre à repérer la communication manipulatrice autour du harcèlement, la vraie victime et son bourreau ».
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