LE QUOTIDIEN : Quel est l’état d’esprit des directeurs alors que la Fédération hospitalière de France (FHF) a annoncé hier (18 mars) une reprise d’activité timide malgré un déficit record de 2,8 milliards d’euros ?
VINCENT PRÉVOTEAU : Ils sont inquiets pour leurs établissements qui vivent des contraintes budgétaires et de démographie médicale fortes. Mais ils sont très engagés pour faire vivre leurs valeurs. Quand nous avons choisi le thème « prendre soin » pour notre colloque, nous voulions rendre hommage aux hospitaliers cinq ans après le démarrage de la crise, mais aussi mettre en exergue ce sujet nécessaire à l’hôpital.
En 2025, les sujets d’actualité pour les directeurs portent sur la transposition statutaire qui donnera des possibilités de mobilité entre les fonctions publiques, de viviers et d’accompagnement des carrières. Nous voulons aussi sécuriser l’exercice des directeurs qui est très complexe, en donnant la possibilité de leur octroyer la protection fonctionnelle devant les juridictions financières, l’objectif n’étant pas d’exonérer de toute responsabilité l’action des directeurs d’hôpitaux, mais de bénéficier de cette modalité si certains sont mis en cause. Ce qui aujourd’hui n’est pas possible dans le cadre du nouveau régime de responsabilités [dans le cas précis de poursuites financières devant la Cour des comptes].
Avons-nous suffisamment tiré les leçons de la crise sanitaire ? Les médecins ont le sentiment d’avoir retrouvé les lourdeurs administratives d’avant la crise…
Lors de cette crise, nous avons vécu un fort assouplissement des règles. Il était alors possible de monter un service de réanimation en deux jours en coconstruction entre médecins et directeurs, c’est vrai. Mais sur la bureaucratie, je ne partage pas votre avis. Beaucoup de projets ont été portés avec succès depuis lors en dépit des difficultés sur les ressources médicales. Toutefois, des questions se posent encore sur la possibilité d’agir plus vite. Beaucoup de chiffres complètement faux circulent sur le nombre d’administratifs à l’hôpital. Le nombre de secrétaires médicales est faible. Nous avons eu aussi dans nombre d’établissements un renforcement du binôme cadre/chef de service.
C’est un véritable enjeu au quotidien de rester attractif et de fidéliser les jeunes médecins et paramédicaux (…). La notion d’attractivité ne sera pas la même à Paris ou dans l’Aveyron.
Mon ambition est d’accompagner des projets issus des territoires et des services. Je vous donne un exemple. Début 2024, le président de la commission médicale d’établissement de l’hôpital de Rodez a demandé à acquérir un robot chirurgical multi-organes avec pour enjeu de recruter des chirurgiens formés dédiés à cette nouvelle technologie. Le dispositif a été installé en novembre 2024 et est rentré en service en janvier 2025. Nous agissons, et vite.
Comment redonner de l’attractivité aux métiers du soin, en particulier médical ?
C’est un véritable enjeu au quotidien de rester attractif et de fidéliser les jeunes médecins et paramédicaux. Pour être attractif, il faut avoir déjà un projet médical, être en capacité de recruter des médecins et des paramédicaux, mais aussi éviter les charges trop lourdes, administratives ou autres alors que la permanence des soins reste une forte contrainte.
La notion d’attractivité ne sera pas la même à Paris ou dans l’Aveyron. L’attractivité médicale à l’hôpital, c’est un peu de la haute couture. Nous travaillons dans une logique multipartenariale avec les médecins et les directeurs, mais aussi les directeurs des soins. Le Ségur a été un facteur d’attractivité, ainsi que les plans d’égalité femmes/hommes, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS), les dispositifs de conciliation et de médiation, la qualité de vie au travail.
La thématique des VSS sera-t-elle abordée lors du colloque ?
Comme toute structure, l’hôpital est un univers humain. Alors que nous portons depuis quatorze ans le principe d’égalité femmes/hommes, les VSS seront abordées lors de la remise du prix des valeurs [vendredi 21 mars à 9 heures]. Dans notre société, des structures essentielles ont été mises en place ces dernières années comme la lutte contre les violences intrafamiliales, les unités d’accueil pédiatriques pour l’enfance en danger, qui sont des évolutions majeures. À l’ADH, nous avons signé des conventions avec Femmes de santé et Donner des elles à la santé. De nombreux dispositifs similaires ont été mis en place au sein de nos établissements. Nous sommes aussi très favorables à ce que les établissements puissent porter plainte au nom des agents qui feraient l’objet de violences, de menaces verbales ou physiques.
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