Les urgentistes sur le pied de guerre

À Metz, les médecins du SMUR se préparent au risque d'attentat

Par
Publié le 12/01/2017
Article réservé aux abonnés
METZ

METZ
Crédit photo : DR

Ces médecins, infirmiers et cadres de santé (une dizaine) en ont vu d'autres. Pourtant, dès les premières diapositives, le formateur les prévient : des images peuvent heurter. Abdomens éventrés, visages explosés, sites d’intervention tapissés de sang… Comme tous les hôpitaux de France, le CHR de Metz-Thionville se prépare à une éventuelle attaque terroriste.

Il y a quelques jours a été lancé un programme de formation des personnels du SMUR de l’établissement à cette démarche d’origine militaire : le « damage control ». En clair : n’intervenir qu’une fois la zone sécurisée, limiter les gestes au maintien en vie avec pour priorité le transfert au bloc opératoire. Cette organisation est capitale en cas de grand nombre de victimes, blessées par arme de guerre, et donc de fortes hémorragies et de pneumothorax. Les blessés polytraumatisés – comme ce fut souvent le cas à Nice – relèvent eux de l’urgence « classique ».

Type de blessures, matériel adapté (garrot tourniquet, pansement compressif, pansement avec valve pour plaies soufflantes…), sécurisation du site, protocole d’intervention, communication avec les forces de l’ordre : les informations transmises en 3 h 30 par le Dr Sylvain Ambard, formateur et médecin urgentiste sur le site de Mercy, sont plutôt denses.

Survie 

Les « stagiaires » ne sont pas novices. Ils ont déjà découvert les kits de « damage control » arrivés dans les véhicules du SMUR il y a un an, et ils sont régulièrement informés par le chef des urgences de l’hôpital de Mercy, le Dr François Braun, également président de Samu-Urgences de France.  

Pourtant, certaines questions prêtent à débat : « Devons-nous attendre que l’on nous communique le point de rassemblement pour intervenir ? », « les enfants sont-ils prioritaires ou ont-ils moins de chances de s’en sortir ? », etc. Impossible, parfois, de trancher. « Le seul critère sera la survie : quelqu’un avec une balle dans la tête mourra, que vous soyez bons ou pas. Celui avec une balle dans le pied peut attendre cinq minutes. Il faut en premier se diriger vers ceux dont la mort est évitable », clarifie le formateur, Sylvain Ambard. Dans ces circonstances, le garrot – douloureux, occasionnant des séquelles – est préconisé : « on réfléchit après », résume le formateur. « C’est une nouvelle façon de penser. Il faut se voir en médecin de guerre. Nous n’y sommes pas prêts mentalement », analyse le Dr Anne Marand-Migny, médecin aux urgences de Thionville.

Se poser les bonnes questions

La matinée s’achève par une mise en situation : certains jouent les victimes, d’autres les secours. Tous saignent abondamment, les garrots manquent, et trois blessés sont en urgence vitale. L'exercice est jugé utile par le Dr Christian Niziolek, médecin urgentiste à Mercy et à Briey. « J’ai eu du mal à évaluer la situation rapidement, admet-il. C’est compliqué de se poser les bonnes questions seul, à partir de très peu d’informations, alors que l’on réfléchit habituellement à plusieurs ».

Comme eux, 120 personnels de santé du CHR suivront un module de 3 h 30, par groupes d’une dizaine de personnes, en 11 dates, ces deux prochains mois. Puis viendront les SMUR des autres hôpitaux du département. Ce programme est assuré par trois formateurs, eux-mêmes formés en juin dernier par des collègues civils et militaires de Paris, sous l’égide du ministère de la santé, en retour d’expérience des attentats de Paris de novembre 2015. 

« Je mentirais en disant que l’on est parfaitement prêts, mais le risque d’attentat est une préoccupation forte, et nous y consacrons du temps et de l’argent », assure la directrice du CHR de Metz-Thionville, Marie-Odile Saillard. Un point la préoccupe : l’hôpital lui-même peut être une cible.

Élise Descamps

Source : Le Quotidien du médecin: 9546