ONZE ANS après la loi de 1998 sur la sécurité sanitaire, trois ans après le rapport de Jean-François Girard qui demandait « la remise à plat du système » et dénonçait les « redondances multiples » entre les sept structures éclatées en trois agences et quatre instituts, un an après l’annonce, dans le cadre de la RGPP et du CMPP (Conseil de la modernisation des politiques publiques), de leur « regroupement ambitieux », le nouveau périmètre de la veille sanitaire se dessine enfin : par un amendement au projet de loi HPST (Hôpital, patients, santé, territoires), il prend la forme d’un nouvel établissement qui va regrouper les services de l’AFSSET (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail), dirigée depuis mars par Martin Guespereau, et de l’AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), dirigée depuis août par Marc Mortureux.
À 48 ans, cet ingénieur des mines, ex-numéro 2 de l’Institut Pasteur, veut « donner tout sens à la rationalisation et à la mobilisation de l’expertise ». L’exemple du dossier des pesticides montre tout l’intérêt d’une telle fusion (qui ne dit pas son nom) : « L’AFSSET mesure en quelque sorte les pots cassés (occasionnés par les pesticides), explique Martin Guespereau. Il n’y a pas de contestation quant à l’intérêt de ces produits, mais des doutes quant à leur impact sur l’environnement et la santé au travail. Il est donc bon qu’il y ait un seul lieu où se gère tout ce sujet. ».
Ce sera donc la mission étendue du nouvel EPIC (établissement public industriel et commercial). « Mais attention, souligne M. Mortureux, personne ne mange personne. Nous voulons préserver dans la nouvelle structure l’identité des grands pôles de compétence, tenant compte de l’histoire et de la culture propres à chaque agence, selon un nouveau mode de gouvernance. »
Concrètement, le nouveau DG s’est mis à l’écoute de toutes les parties prenantes de la veille sanitaire, ainsi que des ONG, associations de consommateurs et organisations syndicales. « Tous les acteurs se retrouveront début octobre, annonce-t-il. Sur ce socle de concertation, nous pourrons alors engager le processus opérationnel de création de la nouvelle structure. »
Dès juillet dernier, l’AFSSET a donné le signal, en absorbant le Bureau d’études et de recherches sur les produits chimiques (BERC), portant ses effectifs de 130 à 150 salariés, autant qu’à l’AFSSA, sans compter l’équipe d’une centaine de chercheurs extérieurs (contre 500 à l’AFSSA).
L’union fait la force de l’expertise.
Apparemment, l’union fait consensus. Le Pr Claude Huriet lui-même, auteur de la loi du 1 er juillet 1998, a déposé l’étendard de la révolte, après l’avoir brandi dans un premier temps (« le Quotidien » du 14 mai) : « Dès sa création, l’AFSSET a manqué d’un noyau porteur qui aurait dû être constitué par l’INERIS (Institut national de l’environnement et des risques), alors que l’AFSSA, elle, avait pu se développer à partir du CNEVA (Centre national des études vétérinaires et alimentaires) ; dès lors, l’agence environnementale était condamnée à fonctionner comme une structure illisible, molle et inefficace, victime des administrations centrales qui ont toujours combattu l’essor des agences sanitaires. La fusion est la seule manière de surmonter ce handicap originel. »
Première directrice générale de l’AFSSET, le Dr Michèle Froment-Védrine avait bataillé contre une réforme qu’elle jugeait « adoptée sous la pression de quelques financiers qui bradent la sécurité environnementale de la France », brocardant « une approche purement comptable ». Aujourd’hui, elle convient que « lorsqu’on analyse des situations régionales complexes comme celle de la Bretagne, on discerne un enchevêtrement des problématiques alimentaires, vétérinaires et environnementales qui plaident pour une organisation commune, autour des mêmes méthodes et avec les mêmes expertises. La FDA (Food and Drug Administration) nous fournit le modèle de ce que pourrait être un futur pôle d’expertise français puissant et respecté. Avec cette réforme, nous n’en sommes qu’aux balbutiements sur cette voie. »
Le premier bilan d’étape sur la RGPP, publié le 3 décembre dernier, avait évoqué le rapprochement des agences environnementale et alimentaire avec l’Institut de veille sanitaire, chargé des missions d’alerte, de vigilance et de veille dans tous les domaines de la santé publique, mais l’amendement au projet de loi HPST a omis d’associer l’InVS au futur EPIC. Est-ce à dire que l’idée, suggérée par le rapport Girard, d’un regroupement entre les trois agences en charge du vivant a été abandonnée ? Le groupe de travail créé l’année dernière sur la question poursuit, en tout cas, sa réflexion. Prudent, M. Mortureux s’abstient de l’évoquer. Le chemin vers une FDA à la française ne fait que commencer...
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