C’est un paysage médical hospitalier en mouvement que donne à voir le Centre national de gestion (CNG, qui gère les carrières des PH) avec la parution de nouvelles données statistiques au 1er janvier 2024.
Si cet exercice annuel est courant, les chiffres dévoilés dans cet opus le sont beaucoup moins. En scrutant à la loupe la situation professionnelle des 48 552 praticiens hospitaliers qui font tourner les établissements de santé publics, le CNG met en lumière les raisons qui poussent nombre de médecins à quitter l’hôpital. Les données montrent que les PH – qui ne sont pas fonctionnaires mais des agents publics sous statut – n’hésitent plus à prendre le large, provisoirement ou définitivement.
Durant l’année 2023, 1 839 médecins ont définitivement quitté le corps des PH en exercice. Ce chiffre est peu ou prou stable depuis dix ans. Ce qui l’est moins, c’est le nombre de départs par « démission ». Le CNG en dénombre 401 cette même année, soit 21,8 % de l’ensemble des sorties définitives. C’est 109 médecins hospitaliers de plus en un an et presque deux fois plus qu’il y a dix ans (238 PH en 2014). Les praticiens qui exercent dans des services de médecine constituent le gros des troupes ayant fait leurs valises (188 PH démissionnaires, voir tableau détaillé). Charge de travail excessive, pénibilité, manque de reconnaissance financière, grille salariale moins attractive par rapport au privé à but lucratif, perte de sens… Les raisons de ces départs sont légion. Et ils inquiètent aussi bien les syndicats de PH que les autorités de santé.
Un départ sur dix pour radiation
Outre la démission, les PH raccrochent sans surprise les crampons au moment de la retraite, pour la grande majorité d’entre eux. Ils sont 1 208 à avoir réclamé leurs droits en 2023, soit deux tiers des départs. Si l’âge moyen d’arrêt d’activité oscille depuis des années entre 65 et 66 ans (65, 8 ans en 2023), les anesthésistes-réanimateurs et les chirurgiens partent plus tardivement que leurs confrères (un peu avant 67 ans).
Le reste des sorties définitives est à l’avenant. Une sur dix (soit 195 PH) résulte d’une radiation (inaptitude, abandon de poste, radiation après disponibilité ou nomination HU). Trente-trois PH sont décédés, un seul a été licencié et un autre révoqué.
Une autre statistique révèle le désir d’ailleurs des PH. Depuis 2014, le nombre de détachements annuels a bondi de 15,6 % – passant de 1 080 à 1 249 PH en dix ans. La santé publique est la plus concernée avec 9,7 % de PH « détachés » dans cette spécialité. Près d’un praticien sur deux est détaché de son hôpital auprès d’un établissement de santé privé d'intérêt collectif (Espic), privé à but non lucratif ; 20,6 % ont rejoint l’université en qualité de PH-U (statut qui donne accès aux concours de PU-PH et MCU-PH). Donnée intéressante sur les choix de carrière, la moitié des PH femmes sont détachées en Espic, contre seulement 39 % des hommes. À l’inverse, on retrouve 27,3 % des PH hommes détachés à l’université, contre 15,4 % des PH femmes.
L’autre moyen de quitter (temporairement) le navire consiste à se mettre en disponibilité. La proportion de ces PH a quasiment triplé en dix ans, passant de 4,2 % en 2014 à 11,6 % en 2024. En volume, on assiste à une explosion de la pratique. De 1 997 PH en 2014, ils sont désormais 6 551 en 2024, soit une augmentation de 228 % en dix ans. Neuf PH sur dix utilisent cette carte de la disponibilité pour convenance personnelle, très prisée des chirurgiens plasticiens, des médecins du travail, des ophtalmologues et des psychiatres.
Réalité du terrain
Le CNG le répète : malgré ces mouvements internes, le solde net des effectifs (entrées et sorties) reste positif depuis des années. L’année 2023 enregistre 4 012 entrées (installation dans le statut de PH en post-concours), auxquels s’ajoutent 587 retours de détachement et de disponibilité. « Quelle que soit l’année, les entrées sont toujours bien supérieures aux sorties de praticiens », insiste le CNG. Mais deux données viennent contrebalancer ce bel enthousiasme. Le recours fréquent à l’intérim médical brouille les chiffres, tout comme le réel taux de vacance des PH (31,6 % pour les temps pleins en 2021), qui n’apparaît plus dans les statistiques depuis trois ans. « Au quotidien, on travaille avec de moins en moins de médecins et d’infirmières, quoi qu’en disent les directeurs d’hôpitaux, constate le Dr Yves Rébufat, délégué général du syndicat APH. Entre les départs, les démissions et l’absentéisme, impossible de savoir qui entre et qui sort ! Le ressenti du terrain n’a rien à voir avec les chiffres du CNG. »
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