Le député communiste (PCF) du Nord Alain Bruneel va déposer à l'Assemblée nationale un projet de loi visant notamment à annuler tous les plans de retour à l'équilibre dans les hôpitaux. Après l'épidémie, l'élu veut surfer sur l'élan de solidarité né à l'hôpital entre les soignants pour réformer en profondeur l'institution.
LE QUOTIDIEN : En quoi consiste la proposition de loi que vous allez déposer à l'Assemblée ?
ALAIN BRUNEEL : Notre texte fait des propositions à mettre en œuvre tout de suite. Le plus urgent, c'est l'annulation de tous les CREF [contrat de retour à l'équilibre financier, NDLR]. Dans ma circonscription, l'hôpital de Douai navigue entre 9 et 12 millions d'euros de déficit cumulé, ce n'est plus possible. Il faut aussi repartir sur de bonnes bases en abrogeant le plan Ma Santé 2022. Enfin, il faut lancer un grand plan de formation. Nous estimons qu'il manque aujourd'hui 100 000 personnes à l'hôpital et 200 000 dans les EHPAD, tous métiers confondus, médecins, infirmiers, aides-soignants… On demande aussi l'instauration d'une loi de programmation pour les hôpitaux et les EHPAD qui reviendrait tous les cinq ans. Cela demandera peut-être de supprimer l'enveloppe de l'ONDAM, qui est figée et bornée.
La crise du Covid-19 invite à réfléchir autrement. Il faut faire tomber les garde-fous établis depuis des années. D'ici au 18 juin, date à laquelle notre texte sera discuté, nous allons solliciter les autres groupes pour les associer à la démarche. Je pense qu'il faut être rassembleur sur ces questions-là.
Pourquoi déposer une proposition de loi à peine la crise terminée ?
Avec mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR), nous observons de près ce qui se passe à l'hôpital depuis plus d'un an et souhaitons en être le relais législatif. Les collectifs et les syndicats expriment leur ras-le-bol. Ils ne veulent plus travailler avec de moins en moins de moyens matériels et humains. Notre proposition de loi entend traduire tout cela.
Ce n'est pas la première que l'on dépose. Les dernières sont restées lettre morte. En janvier 2018, nous avions lancé un tour de France des hôpitaux dont a découlé une loi-cadre de 43 articles défendue par tous les parlementaires communistes du Sénat et de l'Assemblée. Nous avons aussi déposé un moratoire pour arrêter les fermetures de lits et de maternités. Rien de tout cela n'a été accepté.
Aujourd'hui, le gouvernement ne peut pas préparer un plan pour l'hôpital sans associer les parlementaires. Est-ce que pour une fois le ministre va enfin nous écouter ? L'hôpital ne peut plus revenir à la situation d'avant.
Le gouvernement a déjà annoncé plusieurs mesures (Ségur de la santé, revalorisations des salaires, primes…). Qu'en pensez-vous ?
Pour l'instant, c'est flou. Il est évident qu'il faut revaloriser les salaires. Mais les primes proposées sont éphémères et mettent les territoires en concurrence de manière injuste. Des négociations doivent aussi avoir lieu avec les organisations syndicales. À ma connaissance, pour l'instant aucune d'entre elles n'a été associée. Je suis également contre un assouplissement des 35 heures. Cela reviendrait à imposer la logique de Sarkozy : « travailler plus pour gagner plus ». Il faut au contraire revoir le statut des soignants.
La crise a révélé non seulement des manquements en matière d'équipements mais aussi une solidarité incroyable à l'hôpital, à tous les étages. Je pense que quelque chose de nouveau s'est passé. Tous les professionnels témoignent de cette ambiance et il ne faut pas l'enterrer.
À l’hôpital psychiatrique du Havre, vague d’arrêts de travail de soignants confrontés à une patiente violente
« L’ARS nous déshabille ! » : à Saint-Affrique, des soignants posent nus pour dénoncer le manque de moyens
Ouverture du procès d'un homme jugé pour le viol d'une patiente à l'hôpital Cochin en 2022
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique