Alors que le Parlement débat d’une énième loi de simplification de la vie économique et que le ministre de la Santé Yannick Neuder exprime sa volonté de combattre « les irritants du quotidien », deux fédérations hospitalières avancent leurs pions, au nom des cliniques privées (FHP) et des centres de lutte contre le cancer (Unicancer). Pour Lamine Gharbi, président de la FHP, « l’inflation normative et les écheveaux technocratiques pour les acteurs de santé sont devenus tels que cela devient compliqué de travailler. Des mesures de simplification de bon sens nous permettraient de respirer. »
La nécessité de faciliter l’accès à l’innovation médicale, diagnostique ou thérapeutique à toutes les étapes (évaluation, avis, tarifs et remboursement) est mise en avant par les deux fédérations. « Pour changer une simple cotation avec les médecins, cela dure des années », se désole le patron de la FHP, qui donne l’exemple de la chirurgie de la prostate assistée par robot, aujourd’hui non rentable. Les établissements « ne rentrent même pas dans les frais des opérations qui leur coûtent entre 1 500 et 2 000 euros chacune », tonne Lamine Gharbi. Même si des progrès ont été faits, l’accélération de la mise à disposition des actes et dispositifs innovants, par leur inscription dans la nomenclature et le financement de droit commun serait bienvenue.
Il y a une impatience et parfois de la frustration chez les acteurs qui attendent, c’est dommage
Sophie Beaupère, déléguée générale d’Unicancer
Ce besoin de gagner du temps concerne aussi la recherche clinique. Déléguée générale d’Unicancer, Sophie Beaupère regrette la période Covid lorsqu’« il était facile d’avoir des fast tracks pour les essais cliniques… et aussi les autorisations d’ouvertures de lits ». Depuis, les contraintes administratives se sont à nouveau renforcées dans un contexte de « compétition féroce en recherche clinique et d’explosion du nombre de cas de cancers ». Une mesure utile serait d’instaurer le e-consentement des patients qui entrent dans des essais cliniques, « au point mort ».
Des dossiers qui prennent des mois
Le rôle des agences régionales de santé (ARS), jugé pas toujours facilitateur, continue de soulever des interrogations. Lamine Gharbi se dit prêt à « sauver le soldat ARS » uniquement si « elles se recentrent sur leurs missions de régulation et de contrôle » de l’offre de soins – y compris des établissements – et ce de façon « équitable ». Quant à Sophie Beaupère, elle s’interroge plus directement sur l’absence de transparence dans l’attribution des crédits du fonds d’intervention régional alloués par les ARS.
La délivrance des autorisations d’activités et d’équipements lourds est aussi évoquée comme un défi trop complexe pour les établissements. La FHP réclame une durée indéterminée des autorisations (contre tous les sept ans aujourd’hui) pour bâtir sur la durée des projets de soins, assortie d’une évaluation a posteriori. « En cancérologie, c’est monstrueux, il y a sept ou huit mentions par dossier, on s’y perd », lâche Lamine Gharbi.
Le traitement des dossiers expérimentaux « article 51 » (innovation organisationnelle) prend également trop de temps, ajoute Sophie Beaupère. « Il y a une impatience et parfois de la frustration chez les acteurs qui attendent, c’est dommage. Pour les chimiothérapies orales à domicile, l'expérimentation a pris trois ans et il a encore fallu attendre un an pour en voir la généralisation. Pour la prévention vers les patients à haut risque de cancer, c'est en cours d'examen depuis dix-huit mois », explique-t-elle.
Faciliter le recrutement des Padhue
Plusieurs mesures de simplification permettraient de renforcer l’attractivité des métiers et des carrières. La FHP souhaiterait que le recrutement des praticiens à diplôme hors UE (Padhue) soit « facilité », réforme à laquelle travaille le ministère de la Santé qui veut simplifier les épreuves pour les praticiens en poste dans les hôpitaux. Autres idées poussées par le lobby des cliniques pour fluidifier les recrutements : « sécuriser les clauses de dédit-formation pour les métiers en tension dans le privé », autrement dit un engagement de servir pendant une durée déterminée en contrepartie d’un apprentissage ; et pérenniser le dispositif permettant aux entreprises de conclure un seul contrat court pour le remplacement de plusieurs salariés absents (CDD multiremplacement). Côté métiers également, Sophie Beaupère met en avant les projets de pratiques avancées avec les manipulateurs radio « qui n’avancent pas assez vite ». Selon la déléguée d’Unicancer, les pouvoirs publics « ne semblent pas pleinement au fait des branches professionnelles et des conventions collectives du secteur du privé non lucratif ».
Sur le plan macro-économique enfin, toutes les grandes fédérations hospitalières réclament une trajectoire pluriannuelle des ressources en santé, à la faveur d’un protocole de pluriannualité. Un gage de visibilité budgétaire qui serait également source de simplification…
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