Mises en lumière durant la pandémie de Covid-19, les coopérations entre les établissements publics et privés doivent « être développées plus systématiquement », a préconisé ce jeudi Pierre Moscovici. Le président de la Cour des comptes, qui vient de publier un rapport sur le sujet, milite pour surmonter les « clivages historiques » entre les deux secteurs.
Si la concurrence public/privé stimule « l’innovation et l’évolution des pratiques », elle demeure « plus subie que pilotée, conduisant à un partage implicite de l’activité, dans la plus grande partie du territoire », regrette l'ex-ministre de l'Économie et des Finances. Celui-ci rappelle que l'hôpital public est « globalement très présent dans les soins non programmés, en médecine et en obstétrique, mais relativement peu en chirurgie ». En revanche, les cliniques sont « moins présentes dans les services d’urgences et le soin critique », en raison notamment de la difficulté d'obtenir des autorisations, estime Pierre Moscovici, persuadé que ces différences de spécialisation entraînent « des écarts dans les typologies de patients pris en charge ».
Modalités « hétérogènes » de financement
Quant aux modalités de financement, elles demeurent « hétérogènes » et « ne traduisent toujours pas des principes clairs et stabilisés », estime la Cour qui regrette que les offres hospitalières (publique et privée) aient évolué « de manière séparée ». Conséquence, la concurrence sur le court séjour s'intensifie dans les métropoles depuis 2014, tandis que le secteur public « assure de plus en plus, et presque exclusivement, la couverture des besoins sur l'ensemble du territoire ainsi que les soins pour les pathologies les plus sévères, ou dans les contextes sociaux les plus difficiles », cadre le rapport.
Autre problème de taille : les différences de statut et de modèle économique. La prise en charge des soins par l'Assurance-maladie relève de « deux échelles tarifaires différentes », notamment parce que le coût des soins dispensés dans les établissements du public et du privé non lucratif « intègre la rémunération des médecins salariés ». Dans le privé lucratif, les honoraires des médecins sont pris en charge séparément.
D’autre part, les ressources des hôpitaux publics sont constituées d'une part croissante de dotations (forfaitaires) de l'Assurance-maladie. Des ressources dont les cliniques « ne bénéficient pas ou de manière marginale », relève la Cour.
Bref, la conception historique du « service public hospitalier », réservée à l'origine aux établissements publics, s'est « brouillée ». À l’image aussi des PH qui peuvent exercer au sein de l'hôpital une activité libérale avec dépassement d'honoraires. Raison pour laquelle la Cour exige une « clarification ».
Changer le service public hospitalier
La Cour considère que l'administration pourrait contraindre opérateurs et praticiens à coopérer davantage. Les sages militent pour une « réactualisation » du concept de « service public hospitalier ». Il était initialement assuré par les établissements publics et privés non lucratifs « participant au service public hospitalier » (PSPH), auquel les établissements privés lucratifs pouvaient contribuer dans le cadre de « concessions ». Mais à la faveur des réformes, ce service public hospitalier exclut aujourd’hui de fait le privé lucratif, déplore la Cour.
Or, « lorsque cela est utile dans les territoires, les cliniques privées pourraient répondre à des besoins de prise en charge tels que définis par les ARS, toujours sous contrôle public, dans un cadre contractualisé », plaide Pierre Moscovici. Et d’ajouter que ces contrats pourraient prendre en compte « les critères adaptés des patients, la permanence des soins et l’égalité d’accès correspondant aux exigences du service public ».
PDS obligatoire ?
Il ne s’agit pas de « suggérer la privatisation de l’hôpital », mais « d’intégrer les établissements de service privé à but lucratif dans le service public », se défend la Cour des comptes. Autrement dit, il s’agirait de « confier au privé, dans des conditions extrêmement précises, des missions de service public ».
Plus précisément, il s'agirait de conditionner la délivrance par les ARS des autorisations d'activités du privé au respect de plusieurs critères de service public hospitalier. Ces critères prendraient en compte, par exemple « la participation à la permanence des soins, les gardes et astreintes le week-end et en nuit profonde ». « Le reste à charge devra être égal à zéro » pour les patients, ajoute Pierre Moscovici.
S'agissant des praticiens, la Cour recommande de « rendre obligatoire la participation aux gardes et astreintes des praticiens exerçant en établissement de santé privés ». Et propose aussi « d'organiser la mutualisation territoriale » entre établissements des ressources en personnel soignant « pour la nuit, la fin de semaine, le mois d'août, les jours fériés et les fêtes de fin d'année ». Pierre Moscovici a conscience que cette recommandation provoquera « des émotions et des tensions » mais il considère qu'il n’y a pas d’autres solution. « La situation hospitalière est très tendue. Il faut donc fédérer les offres publiques et privées, les médecins salariés et les médecins libéraux. Il n'est plus possible que chacun continue de son côté ».
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