Cinq ans, jour pour jour après le premier confinement qui a frappé la France, ce sont des résultats en demi-teinte que présente ce lundi 17 mars 2025 la Fédération hospitalière de France (FHF), dans son deuxième Baromètre de l’accès aux soins. Ce dernier couvre l’évolution de l’activité hospitalière de 2019 à fin 2024.
Au chapitre des bonnes nouvelles, pour la première fois depuis la crise sanitaire, « la dette de santé publique accumulée lors du Covid amorce une phase de résorption », observe le lobby des hôpitaux publics. Ainsi, le sous-recours cumulé est, à fin 2024, de 3 millions de séjours (contre 3,5 millions en 2023).
Cette tendance s’explique par un fort dynamisme de l’activité hospitalière en 2024, avec des niveaux de recours supérieurs à ceux anticipés, poussés par le rattrapage des activités déprogrammées les années précédentes. Au global, le nombre de séjours hospitaliers (publics et privés) a augmenté de 3,7 % en 2024, et même de 4,6 % à l'hôpital public. L’année 2024 enregistre un surplus de 516 000 séjours par rapport aux attendus, en particulier en chirurgie et sur les actes peu invasifs.
Embellie et disparités préoccupantes
Cette embellie masque toutefois « des disparités préoccupantes », tempère la FHF.
Ainsi, la médecine retrouve quasiment le niveau attendu en 2024 (-1 %) mais le sous-recours est flagrant sur les prises en charge digestives (- 8 %), en cardiologie (- 10 %), sur le système nerveux (- 9 %), et en rhumatologie (- 8 %). Ces spécialités représentent un tiers des activités de médecine et totalisent 180 000 séjours non réalisés. Une réalité qui touche davantage les patients de 70 ans et plus. Cette catégorie de la population souffre d’un taux de sous-recours négatif de 7,3 %, soit 220 000 séjours en médecine manquant. Cet écart se creuse surtout à cause du non-recours au-delà de 85 ans.

L’impact du Covid toujours présent
En chirurgie, l’activité a, au global, retrouvé et même dépassé en 2024 son niveau de 2019, avec un rattrapage clair du retard (+ 6 %). L’orthopédie (en dehors de quelques interventions), l’ophtalmologie, et l’urologie ont repris des couleurs. Malgré cela, plusieurs activités ayant subi un fort impact du Covid restent toujours en deçà du niveau attendu. Notamment « les cholécystectomies, les arthroscopies, et les opérations de prothèse de hanche pour affection autre que trauma récent », indique la FHF. À l’arrivée, 700 000 séjours de chirurgie n’ont pas été réalisés depuis 2020. L’état des lieux est également toujours négatif pour les opérations les plus lourdes et complexes (- 5 %), en particulier en digestif (- 7 %) et en neurochirurgie (- 5,5 %). Enfin, concernant les transplantations d’organes, l’activité de greffes a presque retrouvé en 2024 le niveau attendu (-1 %). Pour autant, les greffes n’ayant pas été faites entre 2020 et 2023 n’ont pas été rattrapées, insiste le lobby hospitalier public.

Voyants « au rouge écarlate »
Sans surprise, en plein arbitrage sur la campagne tarifaire 2025, la FHF s’appuie sur ces éléments pour demander un soutien financier durable des pouvoirs publics, en particulier dans le champ des activités en dette de santé publique qui restent sous-financées. Notamment celles de médecine avec nuitées, de psychiatrie, de chirurgie de recours, de pédiatrie, d’obstétrique et de soins critiques - réanimation.
Alors que le déficit des hôpitaux publics va encore s’alourdir en 2024 pour atteindre environ 2,8 milliards d’euros, « la progression de l’Ondam [dépenses de santé votées dans le budget de la Sécu, NDLR] pour 2025 (+ 2,9 % hors augmentation des cotisations retraite de la CNRACL), la caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux, ne suffira pas à soutenir l’évolution des charges », argumente la FHF. Pour équilibrer la situation, la fédération ne compte pas davantage sur un arbitrage suffisamment positif sur les tarifs, qui ne devraient évoluer selon elle que de « 0,2 % à 0,5 % » cette année (après +4,3 % en 2024). « Tous les voyants sont au rouge écarlate », regrette Arnaud Robinet, président de la FHF.
En outre, cette évolution de l’Ondam « ne vient pas appuyer suffisamment la dynamique de recrutement des établissements publics de santé ». Comprendre : rien n’est fait pour parer la hausse des charges liées à l’augmentation de la masse salariale. Pourtant cette dernière est bien réelle. Le nombre de postes vacants pour les infirmiers (IDE) et les aides-soignants a été quasiment divisé par deux en un an (5,7 % en 2022 vs. 3 % en 2023).
Les Français solidaires de l’hôpital
Dans leur demande de financement, les hôpitaux publics devraient pouvoir compter sur le soutien des Français. Selon l’enquête Ipsos (auprès d’un panel représentatif de 1 500 personnes) jointe au baromètre 2025, ils sont 92 % à considérer l’hôpital en danger. Mais surtout, une grande majorité se dit désormais « en colère » face au manque de moyens alloués et aux conditions de travail du personnel soignant (89 %), indignés face à la persistance des inégalités d’accès aux soins (84 %), et ils craignent une catastrophe au vu du manque d’investissements (89 %). Aujourd’hui, deux Français sur trois disent avoir peur d’être hospitalisés vu la situation actuelle, révèle le sondage.
« La situation de l’accès aux soins en 2024 indique que nous sommes à un tournant », a résumé Arnaud Robinet. D’un côté l’activité hospitalière retrouve des couleurs, de l’autre cette amorce de rémission n’efface pas la dégradation continue de l’accès aux soins, estime-t-il. « Dans ce contexte, l’hôpital public a besoin d’un soutien accru pour amplifier ses efforts et éviter (…) une situation plus dégradée qu’à la veille du Covid ». Que ce soit sur le plan sanitaire, climatique et désormais géopolitique, « l’hôpital est en première ligne et il doit être intégré dans notre stratégie de défense nationale », a conclu le président de la FHF, qui milite par ailleurs pour la création d’une loi de programmation en santé.
La FHF pousse pour la création d’un « livret H »
Solidaires de l’hôpital public, les Français le sont-ils au point de mettre la main au portefeuille ? La FHF veut le croire et plaide pour la création d'un livret H, un livret d'épargne qui serait calqué sur le modèle du livret A. « Nous avions déjà fait une telle suggestion après l’épidémie de Covid », rappelle Zaynab Riet, déléguée générale de la fédération. Une mission Igas étudie le sujet, indique le lobby des hôpitaux publics.
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