La justice française a définitivement confirmé jeudi la responsabilité du certificateur allemand TÜV dans l'affaire des prothèses mammaires PIP trafiquées, un nouveau pas vers l'indemnisation de dizaines de milliers de femmes victimes à travers le monde. Saisie sur quatre décisions en appel rendues par plusieurs tribunaux français dans différents volets de cette affaire qui a éclaté en 2010, la Cour de cassation, plus haute juridiction de l'ordre judiciaire du pays, a confirmé le point central de plusieurs de ces décisions.
« La société TÜV Rheinland (...) a manqué à ses obligations de contrôle, de prudence et de vigilance dans l'exercice de sa mission professionnelle, la responsabilité professionnelle de la société TÜV Rheinland France est avérée », écrivent les magistrats dans leurs arrêts consultés par l'AFP, ce qui rend cette décision définitive. Ils ont par ailleurs cassé partiellement plusieurs de ces jugements, notamment la limitation par la cour d'appel de Paris de la responsabilité de TÜV à une période allant du 1er septembre 2006 au 6 avril 2010. Cette limitation avait conduit à débouter plusieurs centaines de plaignantes (colombiennes, vénézuéliennes et anglaises notamment) de leurs demandes de dédommagements.
Pied d'égalité
Elle a enfin cassé dans sa totalité une décision de la cour d'appel de Versailles rejetant les demandes d'indemnisations de plus de 200 femmes, domiciliées en Suède. Pour les parties des différents jugements cassées, la Cour de cassation a renvoyé toutes les affaires devant la cour d'appel de Lyon, qui hérite donc de ces dossiers devenus tentaculaires. Olivier Aumaître, avocat de quelque 15 000 victimes concernées, s'est réjoui de ce que « la Cour de cassation confirme le principe de la responsabilité de TÜV et le processus d'indemnisation qui se poursuit normalement pour les victimes ».
« Ces décisions vont permettre d'unifier les décisions rendues pour que toutes les victimes soient sur un pied d'égalité », a ajouté l'avocat dans un communiqué. Il a toutefois regretté auprès de l'AFP que les affaires soient confiées à une nouvelle juridiction n'ayant pas encore connaissance de ces affaires. « C'est évidemment un développement, mais ces arrêts ne mettent pas un terme au débat », a estimé de son côté l'avocate de TÜV Christelle Coslin. « De notre point de vue ces arrêts posent beaucoup plus de questions qu'ils n'apportent de réponses », a-t-elle dit à l'AFP, soulignant que « beaucoup de choses vont devoir être rediscutées » et que « des milliers d'expertises individuelles (sont toujours) en cours ».
« Le grand absent c'est PIP, on vient chercher une entreprise qui vient valider les procédures industrielles (TÜV), alors que c'est PIP qui a commis la tromperie » a-t-elle regretté. Le fondateur de l'entreprise PIP, Jean-Claude Mas, a été condamné en appel en 2016 à quatre ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende pour fraude aggravée et escroquerie à l'égard de TÜV. Mais son décès en 2019 a mis fin aux poursuites concernant la société basée dans la Var, liquidée après que le scandale eut éclaté.
Un million de prothèses écoulées
La fraude avait été découverte à la suite d'un contrôle de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé en mars 2010. Les implants de la société présentaient un taux anormal de rupture et ils étaient remplis, par souci d'économie, avec un gel non conforme, artisanal et bon marché, à la place du gel en silicone requis.
TÜV avait apporté la certification des prothèses avant leur commercialisation, puis avait réalisé treize contrôles dans les locaux de PIP entre octobre 1997 et janvier 2010, sans jamais constater de manquements à la réglementation. Au total, près d'un million de ces prothèses défectueuses ont été écoulées dans le monde entre 2001 et 2010 et le nombre de victimes a été évalué à 400 000, principalement en Amérique latine.
Après le scandale, plus de la moitié des 30 000 porteuses françaises avaient fait retirer leurs implants. Parmi elles, 7 500 avaient connu un événement indésirable (dysfonctionnement, épanchement du gel, infection ou inflammation), selon un bilan des autorités de santé en 2015. Plusieurs vagues de victimes se sont successivement tournées vers la justice ces dernières années.
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