Près de 4 ans après les attentats du 13 novembre 2015, un groupe de recherche clinique publie les résultats d'une étude portant sur les moyens médicaux déployés pour prendre en charge les victimes dans les 24 heures qui ont suivi le drame et montre la nécessité de bien évaluer les besoins afin de pouvoir y répondre sur la durée. Cet état des lieux est paru dans « Intensive Care Medicine ».
« Dans les jours suivant les attentats, un comité s'est constitué avec l'ensemble des représentants des différentes structures concernées (services d'urgence, institut médicolégal, sapeurs-pompiers…) afin de documenter les faits de manière objective et à des fins scientifiques », raconte au « Quotidien » le Pr Mathieu Raux, anesthésiste-réanimateur au Centre d'accueil des polytraumatisés de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) et premier auteur de l'étude.
Prioriser l'accès au bloc opératoire
En s'appuyant sur le réseau de recherche de centres français de traumatologie lourde TraumaBase, les auteurs sont parvenus à colliger les données anonymes de 337 victimes qui présentaient des lésions physiques et sont arrivées vivantes à l'hôpital. La grande majorité des victimes (85 %) ont été blessées par arme à feu (tirs de fusil d'assaut), un mode opératoire qui entraîne davantage de dommages que les explosifs.
Les trois quarts des victimes ont été priorisées selon le degré d'urgence : 28 % étaient en urgence absolue, 72 % en urgence relative. Il est essentiel d'estimer les besoins à la fois sur les plans quantitatif et qualitatif afin d'organiser la mobilisation des ressources, et en particulier l'accès au bloc opératoire. « Certains patients vont devoir être pris en charge au bloc opératoire immédiatement pour une hémostase notamment, alors que les actes de chirurgie orthopédique pourront attendre, souligne l'anesthésiste. Tous les moyens ne doivent pas être mobilisés au même moment pour pouvoir tenir sur le long terme et répondre aux besoins d'un grand nombre de victimes ». Au total, 41 % de salles opératoires supplémentaires ont pu être utilisées pour répondre aux besoins.
Faire évoluer le plan blanc
Par ailleurs, le taux de mortalité observé n'était pas significativement différent du taux attendu (2 versus 3 %). « Ce qui peut témoigner d'une bonne distribution des moyens mis en œuvre », estime le Pr Raux, précisant que le taux de mortalité attendu s'appuie sur un score validé évaluant le retentissement des blessures sur les fonctions vitales. Par ailleurs, le faible taux de transfert (8 %) dans les 24 heures qui ont suivi les attentats suggère que les victimes ont été bien orientées initialement.
L'ensemble de ces observations va permettre de faire évoluer le protocole du « plan blanc », dispositif d'urgence des établissements de santé pour organiser les moyens pour répondre à des besoins exceptionnels.
« Il nous apparaît essentiel de continuer à documenter toutes les nouvelles prises en charge de victimes d'événements terroristes pour pouvoir améliorer les pratiques », conclut le Pr Raux.
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