Des coups de feu en ville, une tuerie lors d’un meeting politique à laquelle s’ajoutent un incendie et une prise d’otages dans un sous-terrain.Tel est le scénario catastrophe multisite imaginé dans le cadre de l’évaluation de la capacité de médecine de catastrophe, exercice concocté au CHU de Nîmes avec le Samu de Paris et à destination d’apprenants de Marseille, Montpellier, Nice et Nîmes.
Exceptionnel, le dispositif a rassemblé, le 19 mai dernier, plus de 500 personnes dont 250 personnels soignants parisiens. Ces derniers ont embarqué pour le Gard à l’occasion d’un exercice dans les conditions du réel, qui visait à tester et comprendre l’organisation complexe de la chaîne des secours sur le terrain et ses interactions (sécurisation, point de regroupement des blessés, poste médical avancé, circuit des victimes, évacuation, coordination interservices, renforts extra-zonaux). Les services du Raid, de la Légion étrangère, des pompiers ou encore de la gendarmerie ont été mis à contribution dans le cadre de la prise d’otages fictive et de la sécurisation des espaces à secourir.
Services saturés
Côté soignants, tout commence par des alertes au centre 15 où un médecin et des assistants de régulation médicale (ARM) tentent de prendre la mesure de l’événement qui se joue à quelques kilomètres, puis de faire appel aux secours nécessaires. Problème : dans ce scénario, les services de réanimation et soins intensifs sont déjà saturés dans en Occitanie à cause d'une 7e vague de l’épidémie de Covid due au variant phi. Dans cet exercice comme dans la vraie vie, tout ne fonctionne pas comme sur des roulettes. Ici, un feutre qui ne permet plus d’écrire au tableau. Puis, les collègues du Samu d’une région voisine ne sont pas en mesure de dépêcher les moyens héliportés car leur appareil est en maintenance. Sur le site de l’exercice, les équipes médicales mobilisées doivent attendre la fin des assauts des forces de l’ordre et la sécurisation des lieux. Bien qu’il ne s’agisse que d’un exercice, le stress est palpable.
Poste médical avancé
« Le premier principe, c’est de s’adapter et de ne pas transformer en conflit des dysfonctionnements qui n’en sont pas vraiment, explique le Dr Sylvain Benenati, médecin urgentiste régulateur qui prenait part à l’exercice. Il faut être sûr que, sur place, les soignants se parlent bien et parlent bien aux bonnes personnes. Depuis notre position, il faut faire confiance au terrain et s’adapter à leur réalité. » Dans le même temps, sur le site militaire du Camp des Garrigues, où se déroulent les tueries et prises d’otages imaginées dans le scénario, les soignants installent le point de regroupement des victimes et le poste médical avancé.
Parallèlement, à l’aéroport de Nîmes, un avion a déjà embarqué du matériel médical et des soignants pour permettre l'évacuation sanitaire de plusieurs dizaines de blessés vers la région parisienne. « Avec toute l’expérience de la crise Covid, nous avons beaucoup travaillé sur les moyens de transport à déployer en urgence, explique le Pr Pierre Carli, chef de service du Samu de Paris. On se projette pour la "guerre d'après". En ce sens, cet exercice n’est pas une démonstration ou une parade. On forme les médecins à réagir, à prendre des décisions et à apporter une réponse médicale adaptée à une situation inédite que nous n’avons pas eue à connaître jusqu’à aujourd’hui. »
Debriefing à chaud et à froid
Par vagues, les blessés arrivent ainsi à l’aéroport où ils sont pris en charge, pour ceux en état de l’être, par des psychologues et psychiatres de la cellule d’urgence médico-psychologique de l’AP-HP, installée à la hâte à l’écart des brancards. Un peu plus tard dans la soirée, plusieurs dizaines de victimes seront embarquées à l’intérieur d’un Airbus A350 affrété par Air Caraïbes pour les besoins de cet exercice qui se poursuit y compris durant le vol.
À chaud, la Dr Margaux Chabannon, généraliste ayant coordonné l’exercice pour le CHU de Nîmes, s’estime satisfaite d’avoir pu tester la relation entre plusieurs Samu, avec le montage d’un hôpital déporté. « C’est un exercice interuniversitaire qui restera formateur pour tous », affirme-t-elle. Pour le Dr Benenati, « le plus important, ce sera le débriefing à chaud ainsi que celui à froid parce qu’on n’a pas tous le même vécu. Le fait de se dire les choses permettra à chacun de se réajuster au cas où la situation se présente à nous. »
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