MEXICO, 48 heures après un glissement de terrain. Une usine chimique est menacée, les structures sanitaires, endommagées, peinent à faire face à l’afflux de victimes. Des ressortissants français doivent être évacués. Une première équipe est arrivée de France, les Américains, voisins, commencent déjà à s’activer sur le terrain. C’est au tour de la réserve sanitaire de l’EPRUS, sur demande du ministère des affaires étrangères, via la Santé, de rejoindre une base militaire désaffectée. Sa mission : établir un camp de vie, prendre en charge les expatriés Français et Européens, puis, les victimes mexicaines. Les risques sont nombreux : trafic d’armes et de drogues, enlèvements... « Ne soyez pas des cibles molles. Pas de travailleurs isolés. Chacun aura la responsabilité de tous et tous de chacun. Restez en binômes, gardez vos sacs sur vous : l’alerte peut retentir à tout moment » met en garde un encadrant.
La cinquantaine de réservistes en uniforme - dont une douzaine de médecins - découvre les tentes à monter, les chauffages à actionner, les groupes électrogènes à installer. Les encadrants apprennent de leur côté que la mission d’une semaine en durera trois. Il faudra être économe sur les rations alimentaires et l’eau. Déjà, les premiers incidents surviennent. Des sacs disparaissent, un feu se déclenche entre des tentes, deux personnes sont kidnappées, des étrangers demandent à cor et à cri de l’aide à l’extérieur du camp pour la fille de l’ambassadeur... Un médecin se porte volontaire. Traquenard : c’est l’enlèvement. Ou cela aurait pu l’être si la situation n’était pas un exercice, concocté par l’Université Paris Est Créteil (UPEC), sur la base militaire de Chanteau, à 10 km au nord d’Orléans.
Sécurité et gestion du stress.
Après plusieurs journées de sensibilisation au cours de l’année (des séminaires consacrés à l’humanitaire, l’urgence médico-psychologique, la logistique) et deux jours de théorie, les réservistes venus de toute la France sont confrontés pendant 3 jours à une situation de crise sanitaire. « C’est un scénario plausible qui rassemble tous les risques. En 2010, au Chili il y a eu un séisme. Au Japon, il a fallu ramener les expatriés français. Les usines et les risques technologiques sont de plus en plus courants, à mesure que les métropoles des pays émergents s’agrandissent. Voyez Brazzaville ! » explique le Dr Françoise Boutot, anesthésiste réanimateur à Versailles, et encadrant EPRUS, pour qui elle a effectué plusieurs missions à Gaza, au Chili, à Haïti, en Libye et à Brazzaville.
Bien que la médecine ne soit pas enseignée dans ce séminaire, le programme est intense pour les réservistes : mise en situation de stress, nuit courte marquée par des tours de garde et des incidents, réveil à 5 heures du matin aux cris de figurants jouant des personnes contaminées, attentes interminables, mais aussi ateliers sur les risques NRBC, les appareils de radiotransmission, le tri des victimes et leur prise en charge dans le poste médical avancé (PMA), la décontamination, et jeux de rôle avec une psychiatre.
Infirmiers de bloc, aides-soignants, assistants de régulation, médecins, ambulanciers, et une sage-femme... les volontaires viennent en grande majorité de l’urgence et sont rompus au stress et au manque de sommeil. Certains sont même partis qui à Haïti, qui au Congo, qui en Arménie, avec des ONG ou des associations humanitaires.
Mais l’EPRUS, qui affiche le drapeau tricolore sur la moindre pièce de matériel, est avant tout une agence gouvernementale, moins chargée de secourir les populations étrangères que de sauver les ressortissants Français ou de gérer une crise sur le territoire national. Aussi la sécurité est-elle l’un des piliers de la formation des réservistes, qui y voient un atout. « Je devais partir en Syrie avec une ONG mais ce n’était pas assez sécure. Avec l’EPRUS, tout est cadré et les missions sont courtes. J’ai trois enfants, je ne peux pas partir 3 mois, surtout sans être payée ! » témoigne Dominique, sage-femme.
L’EPRUS n’est pas non plus l’armée. « Les militaires ont des grades. La cohésion est immédiate. Les réservistes de l’EPRUS doivent au contraire désigner eux-mêmes un chef à qui ils font confiance », explique le Dr Catherine Bertrand, anesthésiste réanimatrice au SAMU 94 et co-responsable de la formation de l’UPEC. Former des volontaires aux professions de santé différentes, aux chemins de vie pluriels, relève donc de la gageure. « Certains ont une expérience, d’autres non. Il y a beaucoup d’imaginaire et de représentation dans leur engagement. Nous essayons de leur donner des images pour qu’ils puissent se projeter en mission et nous les sensibilisons sur des points essentiels. Certains n’avaient jamais dormi sous une tente ! » développe le Dr Bertrand.
Avoir conscience de ses capacités.
Est-ce un bagage suffisant pour partir en mission ? Beaucoup de réservistes le pensent et comptent sur l’e-learning pour rafraîchir leurs connaissances. « Je me sens prêt à partir où que ce soit. Même si je ne viens pas de l’urgence, tout est très bordé avec l’EPRUS », estime le Dr Thierry Cliquet, médecin-conseil à la sécurité sociale. « La pratique est indispensable pour certaines choses, comme les risques NRBC, la décontamination, ou apprendre à monter une tente. C’est bien de le voir une fois », explique le Dr Bernard Vernet, anesthésiste tout juste retraité, loin d’être novice dans l’humanitaire.
À l’UPEC, on nuance en soulignant l’intérêt qu’il y aurait à approfondir la formation et la sanctionner par un diplôme. Le DU « Expertise dans la gestion des interventions d’urgence sanitaire », unique en France, pourrait servir de modèle et être décentralisé. « Après la période de recrutement des réservistes, il faudrait désormais passer à la 2e phase. Quels réservistes pour quelle mission ? Vacciner en France, faire des maraudes, ou partir à l’étranger, c’est très différent » estime le Dr Bertrand. « Ceux qui ne se sentent pas de partir en opération extérieure peuvent très bien préparer les missions et former. Ce n’est pas un échec. Il faut avoir conscience de ses capacités », poursuit-elle.
Avec 8 000 inscrits, l’EPRUS a désormais suffisamment de réservistes pour remplir ses missions. Mais seule une centaine par an bénéficie de cet exercice. Le développement des formations est le défi qu’aura à relever le nouveau directeur général, Marc Meunier, nommé en février pour 3 ans.
Padhue : Yannick Neuder promet de transformer les EVC en deux temps
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne