Fréquemment les médias pointent du doigt de nombreux dysfonctionnements au sein des services d’urgence. A l’origine de cette problématique qui impacte les soins de nos concitoyens, plusieurs facteurs sont jugés responsables : le manque d’effectifs, la responsabilité de la médecine libérale qui n’absorbe point de manière délibéré ce surplus, la volonté politique de ne pas augmenter le numerus clausus.
Un urgentiste, très en vue politiquement parlant, martèle régulièrement le fait que les médecins généralistes ne jouent pas leur rôle dans la prise en charge des patients lors des soins non programmés. Pour en rajouter une couche supplémentaire, notre président prend part à ce débat en demandant aux généralistes de travailler jusqu’à 22 heures pour éviter la saturation des services d’urgences.
Pénurie de professionnels
Cependant, la réalité est bien différente que celle distillée aux médias de manière insidieuse et manquant d'impartialité. Participant de manière épisodique aux urgences du CH de mon département, du fait d’une pénurie de professionnels, j’ai été quelque peu estomaqué par la situation du service dans lequel j’ai officié.
Tout d’abord, la pénurie des praticiens est bien réelle, et il est possible qu’elle s’amplifie. Ensuite, les conditions de travail au sein de ce service sont terribles avec un flot incessant et continu de patients qui présentent pour la plupart des pathologies sérieuses et nécessitant une attention de chaque instant.
Un ras le bol général des équipes médicales et paramédicales surmenées et au bord du burn out qui affrontent des situations souvent délicates, et qui se protègent s’invectivant mutuellement. Une participation effective des jeunes étudiants (les internes), mais souvent encadrés de manière très aléatoire. Sans leur concours, le service des urgences ne peut fonctionner; et il faut bien le dire, leur dynamisme lié à leur jeunesse tire le service quelque peu vers le haut.
En ce qui concerne les patients, il faut savoir qu’ils (contrairement à ce qui est annoncé par notre urgentiste médiatique) sont pour la plupart adressés par des collègues généralistes. Et oui, le réel problème de ces patients est lié à leur âge qui ne leur permet plus, lors d’une décompensation aussi légère soit-elle, de rester à domicile. Souvent, faute de places dans les services toujours saturés, nos aînés sont laissés comme des paquets de linge (l’expression n’est pas flatteuse mais réelle) dans les couloirs des urgences en attente d’une solution de placement ; hypothétique pour certains (la plupart).
Vieillissement de la population
Le réel fléau auquel les urgentistes doivent faire face, c’est le vieillissement de la population, et plusieurs de ses travers : la solitude des patients, mais aussi l’indifférence du voisinage et de la famille même vis-à-vis de cette situation. Nous évoluons au sein d’une société dans un pays, dit développé, avec la possibilité pour nos concitoyens de vivre plus vieux.
Dans ce cas, il faut que les politiques pensent à anticiper cette situation, et puissent créer des structures plus légères pour accueillir ces patients durant la « tempête », et reprendre le cours de leur vie quotidienne. Or, cela n’a pas été acté, et les services hospitaliers dédiés à la prise en charge de patients ayant des pathologies plus lourdes sont embolisés par ces personnes qui ne peuvent en 24 heures être remises sur pied.
De plus, compte tenu de la situation économique de notre pays, certains patients vivant dans la rue n’ont pas d’autre choix que d’y retourner malgré une pathologie jugée préoccupante lors de leur passage aux urgences. Or des solutions existent pour cette frange de la population, mais pas suffisamment développées : les lits halte soins santé. Outre le fait que ce système permet de mettre à l’abri les patients ayant des pathologies aiguës (en les incorporant dans une unité de soins légère de type convalescence), ce système a un coût moindre par rapport à une hospitalisation classique.
Pourquoi les décideurs n’agissent pas en conséquence pour mener une politique de santé digne de ce nom ? Les confrères qui, lors des émissions médicales très suivies, fustigent les généralistes devraient regarder un peu mieux la problématique de nos urgences. Les médecins libéraux ne sont pas des fainéants. Ils vivent eux aussi très mal le départ à la retraite de confrères, ce qui réduit d’autant plus l’offre de soins. Cependant, n’en déplaise à certains, la moyenne horaire de travail des médecins libéraux est comprise entre 60 et 70 heures/semaine, ce qui reste plus que respectable !
Aussi, il ne faut perdre de l’esprit que c’est en travaillant ensemble, et se respectant tous que nous pourrons avancer. Le médecin libéral prend en charge la grande majorité des demandes formulées par les patients ; l’urgentiste fait face à des problématiques souvent plus complexes et nécessitant un œil averti.
Bien entendu, les urgences sont plus sollicitées également du fait d’une éducation des populations qui n’est pas forcément en phase avec la réalité de terrain. Quant à l’offre de soins, si elle n’est pas satisfaite en ville, il faut plutôt regarder, derrière cette problématique, un autre facteur qu’une vie facile des libéraux: la démographie médicale.
« Ce qui empêche les gens de vivre ensemble, c'est leur connerie, pas leurs différences… » A. Gavalda
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