« NOUS DEVENONS la variable d’ajustement de l’hôpital, la confraternité a cédé la place à la méchanceté, nous avons de plus en plus de preuves de harcèlement » : les mots de Patrick Pelloux sont à la hauteur de son exaspération. Entouré d’urgentistes de toute la France, il dresse un très sombre tableau de sa profession, victime, selon lui, de la loi Bachelot.
Le président de l’AMUF déroule des exemples. En Poitou-Charentes, des médecins sont contraints de conduire les ambulances, faute d’urgentistes dans certains hôpitaux, risquant ainsi une amende. En Martinique, la filière SOS Main du CHU de Fort-de-France qui contribue à désengorger les services généraux, est menacée de fermer. Il manque 30 à 40 urgentistes, sur 160 nécessaires, en Auvergne. À Dijon, un praticien est en procès contre son hôpital qui lui doit 40 000 euros de plages additionnelles (des heures travaillées au-delà du plafond des 48 heures). À Montbéliard, la fermeture des lits d’urgence chaque week-end, pour des raisons budgétaires, contraint les urgentistes à transférer les patients à 200 ou 300 kilomètres. Enfin, un praticien hospitalier d’Amiens, Alain Braillon, chercheur en santé public, a vu son poste supprimé il y a six mois après un vote de la Commission médicale d’établissement (CME). La raison ? Officiellement, la suppression d’une subvention spécifique de l’agence régionale de l’hospitalisation. Mais le médecin affirme être sanctionné pour ses positions dérangeantes. Patrick Pelloux, qui le soutient fermement et lance une pétition pour sa réintégration, voit dans cet événement les conséquences de la loi Hôpital, patient, santé et territoires (HPST) sur le statut de PH.
En réaction à cette avalanche de témoignages, l’AMUF demande un moratoire. « Annie Podeur [la directrice générale de l’organisation des soins au ministère de la Santé, NDLR] a décidé, dans un contexte financier de crise, de reconduire la réduction de 20 % des enveloppes MIGAC [mission d’intérêt général et d’aide à la contractualisation]. Cela aboutira à la fermeture de lignes de garde et au regroupement des SMUR ! », déplore Patrick Pelloux. Bruno Faggianelli, secrétaire général de l’AMUF précise : « Quand on dit moratoire, ce n’est pas par volonté de ne rien changer. Mais la loi HPST est une mauvaise réforme. »
L’AMUF demande la mise en place du comptage horaire. « On s’est fait berner par le compte épargne temps. Nous voulons que toutes nos heures soient payées et nous refusons un management d’entreprise », explique Patrick Pelloux qui réclame aussi un véritable dialogue avec le ministre de la Santé et, surtout, avec les agences régionales de santé (ARS). « Si nous ne parvenons pas à relancer la concertation, nous radicaliserons le mouvement », a prévenu le président de l’association.
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