Le service d’accès aux soins (SAS) aura mis un peu de temps avant de faire son chemin dans le monde de l’aide médicale urgente. Au départ, c’est Agnès Buzyn qui, à l’automne 2019, avait annoncé cette mesure dans le cadre de son pacte de refondation des urgences. L’objectif, alors, était que ce dispositif puisse être mis en place à l’été 2020. Mais le calendrier a bien sûr été bouleversé par l’épidémie de Covid-19. Le projet n’a toutefois pas été abandonné et son intérêt a été réaffirmé en juillet 2020, lors du Ségur de la santé. « Accessible partout en France et à toute heure, le SAS permettra à toute personne de disposer d’une réponse à toute demande de soins. L’objectif est de définir un nouveau service d’orientation et de guidage dans le système de santé, simple et accessible à tous », indiquait Olivier Véran en novembre 2020, en annonçant que 22 sites pilotes avaient été retenus pour préfigurer ce service d’accès aux soins.
« L’enjeu du SAS est d’améliorer la réponse aux personnes ayant besoin de soins non programmés et n’ayant pas forcément de médecin traitant. Cela nécessite de faire, dès la réception des appels, la part des choses entre une demande impérieuse de soins sans critère d’urgence (consultation auprès d’un médecin généraliste) et une urgence vraie, qui nécessite une intervention immédiate de moyens de secours ou, dans les cas les plus graves, d’un Smur », explique le Dr Henri Delelis-Fanien, directeur médical du Samu-Smur 86 et co-responsable du projet SAS 86. Selon lui, la mise en place du SAS va nécessiter l’ouverture de trois chantiers.
Nouvelles pratiques de régulation
« Le premier porte sur la réorganisation des plateaux de régulation au niveau de centre 15. En première ligne, les assistants de régulation médicale (ARM), qui sont des professionnels de santé dont on ne cesse d’améliorer la formation, ont pour mission de décrocher les appels afin de les trier, les qualifier et les orienter au plus vite dans la bonne file, et engager sans délai si nécessaire les secours adaptés. En deuxième ligne, d’autres ARM devront régir les moyens et la logistique à mettre en œuvre ou gérer des situations un peu plus complexes. Ils auront un rôle important à jouer pour faire très vite la distinction entre l’urgence vitale et l’urgence ressentie ; il faut reconnaître que la frontière entre les deux n’est pas toujours évidente. Si des erreurs de qualification sont commises, ce qui peut arriver, le fait de travailler ensemble sur le même plateau de régulation permettra de partager les dossiers entre l’urgentiste et le généraliste, indique le Dr Delelis-Fanien. Tous les sites pilotes ont dû affronter ce premier chantier. Sur mon département, on a franchi la barre de 95 % de réponses en 30 secondes, sachant qu’on partait de 78 % environ. »
Formalisation des parcours
Le deuxième chantier concerne la formalisation d’un certain nombre de filières de soins et de « parcours supports », amenés à travailler avec le SAS, avec toujours le même adage : « le patient au bon endroit, au bon moment par le bon moyen. » Filière médicosociale, psychiatrie, réseaux de périnatalité, centres antipoison, conventions avec les Sdis, les transports sanitaires… « Aujourd’hui, les Samu-Centres 15 travaillent avec les professionnels de ces filières, mais il y a une nécessité de formalisation des parcours. Car le vrai intérêt de ces plateformes santé, c’est de pouvoir aller plus loin que le conseil médical et la décision unique et d’apporter une vraie réponse pertinente en créant du lien entre la ville et l’hôpital », indique le Dr Delelis-Fanien, en estimant que les échanges doivent aller dans les deux sens. « Le SAS aura aussi vocation à améliorer le recours hospitalier pour les médecins de ville, en favorisant par exemple l’orientation vers le CHU de patients complexes que les médecins ont du mal à gérer seuls. »
Relais des généralistes
Le troisième chantier n’est sans doute pas le plus simple à mettre en œuvre. « Il porte sur les liens à mettre en œuvre avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et les effecteurs généralistes pour développer la réponse à la demande de soins non programmés. Dans ce domaine, certains SAS sont sans doute plus en avance que d’autres, en raison de liens anciens noués avec des généralistes déjà engagés dans la régulation. Pour d’autres SAS, tout reste à construire. Mais le climat est un peu compliqué car la médecine générale est en tension et certains généralistes ne sont pas satisfaits des rémunérations prévues et craignent que les SAS soient de vastes usines à gaz. Il y aura donc un gros travail d’explication et de pédagogie à mener, souligne le Dr Delelis-Fanien. Je crois vraiment que le SAS est un super projet, à même d’améliorer réellement la qualité de la réponse aux parcours de santé. Il arrive dans un tel climat de tension en ville et à l’hôpital, qu’il sera difficile à mettre en place sereinement. Mais cela reste tout à fait accessible, nous y arriverons ! »
Exergue « Le vrai intérêt de ces plateformes est d’aller plus loin que la décision unique, en créant du lien entre la ville et l’hôpital »
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