Les urgences de l'hôpital de Thionville (Moselle) fonctionnent de manière très dégradée depuis samedi, la quasi-totalité des infirmiers et aides-soignants, « épuisés », ayant été placés en arrêt maladie, a-t-on appris auprès du CHR de Metz-Thionville et des syndicats. Selon des sources syndicales, 55 infirmiers et aides-soignants sur 59 ont été placés en arrêt maladie, souvent sur décision des médecins des urgences eux-mêmes.
« En raison de nombreux arrêts maladie déposés (vendredi) par l'équipe soignante, le centre hospitalier régional Metz-Thionville modifie le fonctionnement du service des urgences adultes de l'hôpital » de Thionville, « jusqu'au 6 janvier », a confirmé l'hôpital. En pratique, si la prise en charge des urgences vitales par les équipes du SMUR reste opérationnelle, de même que les urgences gynécologiques et pédiatriques, les autres patients sont orientés vers d'autres établissements (Mercy, Briey…), précise ce lundi au « Quotidien » le Dr Philippe Alarcon, à la tête des urgences du CHR Metz-Thionville.
Triple épidémie, pénurie soignante et grève des libéraux
C'est dans ce contexte « d'arrêts maladie massifs de soignants » aux urgences de Bel Air, à Thionville, exprimant un « épuisement des équipes », que le CHR de Metz-Thionville a assumé le déclenchement du plan blanc dès le 31 décembre et un plan d’action pour les semaines qui viennent. Le plan blanc donne la latitude au directeur de l’établissement de mobiliser immédiatement tous les moyens dont il dispose en cas d'afflux de patients. La maison médicale de garde a vu ses horaires élargis et la présence médicale doublée, précise aussi le CHR.
À Thionville comme dans de nombreux hôpitaux, la situation sanitaire était déjà très tendue depuis plusieurs semaines en raison de la triple épidémie de grippe, bronchiolite et Covid 19 et du manque chronique de personnel médical et soignant. La réduction de l'offre médicale en ville, sur fond de mouvement de grève des généralistes libéraux, a accentué encore la pression. « La grève a évidemment un impact car les consultations de nos confrères libéraux permettent d'éviter de nombreux passages aux urgences », confirme le Dr Philippe Alarcon.
Des équipes à bout
La suractivité devenue ingérable a donc conduit les équipes soignantes à ces arrêts maladie conjugués. « On en arrive là parce que malgré leur engagement, les équipes sont à bout, épuisées, et incapables d'assurer une prise en charge de qualité, ce qui est insupportable pour eux », a indiqué à l'AFP Clarisse Mattel, infirmière et secrétaire générale du syndicat MICT-CGT. « C'est une problématique qui dépasse la situation d'un hôpital, c'est tout l'hôpital public qui est en crise : on ne peut plus prendre correctement en charge les patients. »
« Ces derniers jours, les patients étaient sur des brancards dans le couloir, quand on a la chance d'avoir des brancards. Une nuit on n'en avait plus, une dame s'est allongée par terre », a témoigné une aide-soignante anonyme. Plusieurs soignants font état d'un patient de 90 ans resté « plus de 90 heures » sur un brancard, et qui n'a « été changé qu'une seule fois » au cours de cette période.
« Les problématiques, François Braun les connaît »
« C'est devenu extrêmement compliqué d'assurer les besoins élémentaires tels que l'hygiène, les repas, en plus dans un contexte de promiscuité », indique Patricia Schneider, représentante du syndicat Sud-Santé au CHR. « C'est un appel au secours », a-t-elle témoigné aussi sur BFM-TV.
Ironie de l'histoire, le pôle des urgences du CHR était dirigé par François Braun jusqu'à sa nomination en juillet comme ministre de la Santé. « Les problématiques, il les connaît depuis longtemps », souligne une infirmière. « J'espère qu'on pourra bientôt échanger avec lui sur l'évolution de la situation. »
Ce que l’on sait du vol de données de santé de plus de 750 000 patients d’un établissement francilien
L’Igas veut inciter tous les hôpitaux à déployer des actions de prévention primaire
À l’hôpital psychiatrique du Havre, vague d’arrêts de travail de soignants confrontés à une patiente violente
« L’ARS nous déshabille ! » : à Saint-Affrique, des soignants posent nus pour dénoncer le manque de moyens