Avec le vieillissement de la population, plus de 15 % des patients admis en réanimation ont aujourd’hui plus de 80 ans. Or les études sur leur devenir après un séjour dans un service de réanimation sont critiquables (observationnelles, rétrospectives, monocentriques) et à court terme.
Il n’y a aucune recommandation adaptée au sujet âgé. Et la littérature suggère un possible décalage entre les souhaits du patient et l’orientation hospitalière (agressivité thérapeutique non souhaitée).
L’essai ICE-CUB2
L’étude ICE-CUB2, (Guidet B. et al., JAMA 2017, 318 : 1450-9) financée par le programme hospitalier de recherche clinique a été menée en France dans 24 établissements de santé. Le tirage au sort individuel des patients arrivant aux urgences paraissant impossible, l’étude a été réalisée en cluster. Les centres étaient tirés au sort et proposaient dans un groupe une admission systématique en réanimation alors que dans l’autre groupe, il n’y avait pas de recommandations particulières. Le critère de jugement principal était la mortalité à 6 mois. De 2012 à 2015, 3 036 patients ont été inclus. Agés de plus de 75 ans, ils avaient au moins une défaillance d’organe, mais un état général sous-jacent et une autonomie relativement préservés, pas de dénutrition patente, ni de cancer actif en traitement.
Résultats. Dans le groupe intervention vs standard, il y avait davantage d’admissions en réanimation (61 % vs 34 %), une plus grande mortalité brute à 6 mois (45 % vs 39 %) mais cette différence sur le critère de jugement principal disparaissait en ajustant sur la sévérité (+ grave dans le bras intervention) et aucune différence sur les critères qualitatifs à 6 mois (autonomie, qualité de vie). « Si favoriser l’admission systématique en réanimation ne réduit pas la mortalité à 6 mois, ne concluons pas qu’il ne faut pas admettre les sujets âgés en réanimation : dans le bras standard, 34 % étaient en réanimation. Retenons qu’être orienté dans un autre service de l’hôpital, en USI, UHCD, ou en gériatrie n’est pas une perte de chance », précise le Pr Bertrand Guidet réanimateur à l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP), 1er auteur de l’étude ICE-CUB2.
Perspectives d’avenir
Pour progresser, le Pr Guidet insiste sur « l’importance d’arriver à développer des outils d’évaluation gériatrique spécifiques de routine (questionnaire de fragilité, âge, souhaits, etc.) ». Une étude européenne (Intensive Care Med 2017; 43:4940-8) menée sur plus de 5 000 patients dans 311 réanimations de 21 pays européens, vient de montrer l’impact de la fragilité sur la mortalité à 1 mois et a validé le Score de fragilité clinique chez le sujet âgé par la mise en évidence d’une relation linéaire entre ce score et la mortalité à 1 mois. Enfin, le Pr Guidet invite à favoriser le dialogue tout au long de la prise en charge et à réfléchir au parcours patient : « En amont d’une défaillance d’organe, le médecin généraliste a un rôle clé : promouvoir la réflexion patient/famille sur les directives anticipées (comment le sujet âgé souhaite être traité en cas de défaillance). En situation aiguë, il faut favoriser la collaboration entre médecins urgentistes et réanimateurs et interroger le patient ou sa famille chaque fois que possible. En aval, il faut continuer à dialoguer et travailler pour éviter les pertes de chances. Aujourd’hui, il n’est pas admissible que 10 % des plus de 80 ans sortant de réanimation décèdent ensuite à l’hôpital. La mortalité des plus jeunes est de 4 %. Une étude devrait évaluer le probable bénéfice à distance d’une orientation post-réanimation préférentielle en unité de gériatrie aiguë. Il existe une vraie expertise gériatrique. Sachons la solliciter. »
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