Partout en France, les Urgences sont le lieu d’un délire de consommation médicale depuis 20 ans. Faute d’alternative aux soins, faute de maisons de santé en nombre suffisant, en raison d’une inégalité importante dans l’accès aux soins, se pressent dans les sections d’urgence des Hôpitaux des foules de malades, qui sont irrités par l’attente et harassent les médecins. Une clarification de la demande vis-à-vis de l’urgence est essentielle afin de mieux réguler les flux de malades :
Qu’est ce que l’urgence en médecine : celle qui met la vie en danger ? Ou consulter à 22 heures pour un simple mal de gorge parce que l’on veut être en forme le lendemain… La notion élargie de l’urgence est une dérive qui déborde notre système de soins.
Le problème du vieillissement de la population n’a pas été suffisamment anticipé et les appels aux SAMU et SMUR émanant des EHPAD contribuent à engorger les services d’urgence.
La régulation par le 15 est une survivance du passé, qu’il faut réformer.
Un urgentiste passe 35 % de son temps à trouver une place
La question est : « Quelles urgences pour le citoyen dans 5 ou 10 ans ? ». En effet, l’INVS signale 70 % de troubles sans gravité aux Urgences. Sur 100 malades y consultant, seuls 20 seront hospitalisés. 10 % des entrées sont inappropriées, relevant de personnes déstructurées qui n’ont pas les moyens de consulter un médecin ou sont isolées.
La prise en charge aux Urgences coûte plusieurs fois le prix d’une consultation normale au cabinet du médecin traitant. Et il est sans limite, puisque les urgences répondent à toutes les demandes d’intervention, le plus souvent des urgences « ressenties ».
La nécessaire ventilation des malades « médico-sociaux », à la fin de la garde, le matin, dans les services, encombre en amont les services de l’hôpital, qui deviennent des structures d’hébergement et coûte très cher. Un urgentiste passe en moyenne 35 % de son temps à trouver une place à ses patients !
Il est donc urgent de construire un plan à 5 ans ou 10 ans, en mettant le malade au cœur du système et son médecin traitant près de lui, pour coordonner le soin. Il faut modifier simultanément : la formation des personnels soignants, l’organisation des soins et leur gouvernance.
On peut former et embaucher autant de personnel sanitaire que l'on veut, tant que ce problème ne sera pas tranché, les urgences resteront le tonneau des Danaïdes. Embaucher 200 urgentistes supplémentaires ne résoudra rien.
Débarrasser les urgences de la bobologie
La seule urgence est d’engager de véritables réformes de structure de notre système de santé et promouvoir dans ce contexte : le parcours de santé du malade chronique, les maisons de santé pluriprofessionnelles, les maisons médicales de garde, les « hôtels de santé » pour l'hébergement provisoire des patients présentant un problème médico-social, revoir l’hospitalisation ambulatoire…
Il sera alors possible de débarrasser les urgences de la bobologie et des urgences médico-sociales. Pour cela, il faut ramener le médecin généraliste vers le soin, en le débarrassant de la bureaucratie et lui permettre d’aimer à nouveau son métier. Il faut réformer le code de déontologie vers un droit d'exercice multisite déclaratif, revoir le contrat de collaborateur libéral et laisser la liberté d'installation en facilitant les procédures d'installation. Ainsi pourra se développer en un lieu donné une « équipe traitante ». Il faut reconnaître le médecin traitant et lui faire confiance.
Alors seulement pourront être pris en charge de façon adaptée les grands seniors polypathologiques et les problèmes médico-sociaux qui n'ont rien à faire l'urgence, mais qui ne peuvent pas actuellement aller ailleurs… C’est à ce prix que l’on peut espérer sauver non seulement notre médecine, mais aussi la sécurité sociale, en s’abstenant d’une politique basée uniquement sur la maîtrise de coûts.
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