À quelques jours de l’ouverture des Jeux olympiques de Paris, Margot Chevrier a fait une croix sur sa participation, mais pas sur sa combativité. La cheffe de file des perchistes françaises qui a remporté six championnats de France dont trois en junior ne s’est en effet pas remise de sa grave blessure contractée aux derniers mondiaux d’athlétisme de mars 2024 en Écosse. Ce n’est pas faute d’avoir mis à profit ses connaissances médicales pour sa propre prise en charge. Étudiante en quatrième année, Margot suit un cursus de médecine en même temps qu’une vie d’athlète de haut niveau. Ce qui lui donne une longueur d’avance quand elle déplore avec effroi ce jour funeste de mars où sa cheville se retrouve à angle droit : « L’avantage est que je me suis presque auto-prise en charge. Les urgentistes ont tout de suite compris que j’étais en médecine ». L’inconvénient est que Margot connaît d’avance le pronostic et les complications possibles de sa blessure. Ce qui la rend d’autant plus vigilante sur sa conduite à mener pour la suite de sa rééducation. Las ! Elle ne pourra pas participer aux Jeux de Paris. Une compétition pour laquelle elle a pu aménager ses études.
Césure ou deux ans pour une année d’étude
Avec une prépa, elle a bouclé sa première année en un an, en maintenant ses entraînements au minimum. Idem pour sa deuxième et troisième année. Elle fait alors le choix de se concentrer sur ses études de médecine de septembre à février pour donner plus de temps à ses compétitions dès février. À partir de la quatrième année, la quantité de travail est devenue trop importante pour mener les deux activités de front. Margot a donc pris deux ans pour faire sa quatrième année et fera de même pour la cinquième année qu’elle va démarrer en septembre à la faculté de Bordeaux. Cela lui permet d’étaler ses partiels et de partir sereinement en préparation sportive pendant quatre semaines, un temps qu’il lui faudra rattraper pour ses stages de médecine.
Quand tu es championne de France, tu crois être miss Univers alors que simplement, tu fais tes courses comme tout le monde
Margot Chevrier
Le choix de Margot pour faire médecine remonte à son enfance. Elle a le goût de prendre soin des autres, comme sa grand-mère, ancienne infirmière dans l’aviation civile. Mature et les pieds sur terre, la jeune athlète a toujours eu des facilités à l’école. En parallèle, sa famille l’a encouragée à pratiquer des activités sportives depuis qu’elle est toute petite. Son père qui l'a toujours soutenue, l'a aidée quand sa carrière sportive a décollé. Chef d'entreprise, il l'a épaulée à gérer la comptabilité, les impôts, mais aussi son image. Lucide, elle craignait de « prendre le boulard » : « Quand tu es jeune et championne de France, tu crois être miss Univers, alors que simplement tu fais tes courses comme tout le monde. » Faire médecine lui permet aussi de relativiser la pression médiatique.
Cette perfectionniste et grosse bûcheuse trouve son équilibre en ne sacrifiant pas sa vie personnelle. Elle continue de sortir de temps en temps le soir avec les copains ; cela doit rester « dans un coin du planning ». Pour la récupération, il lui faut opérer un savant équilibre. Quand elle mène beaucoup d’entraînements, elle dort plus pour ne pas risquer la blessure, quitte à aller au rattrapage pour ses études de médecine. Quand elle est moins occupée sportivement, elle travaille plus ses cours.
Le moteur de sa vie : sa double vie pro
Son carburant, c’est bien sa double activité. Si on lui demande de se projeter dans dix ans, elle revit sa blessure qui a remis en cause la trajectoire de sa carrière sportive. Elle souhaiterait marquer d’une pierre blanche l’histoire du saut à la perche, et pourquoi pas récolter des médailles aux JO 2028. Son rêve : mener son double projet jusqu’au bout, en étant à la fois thésée et toujours sur la piste ; et à plus long terme, être médecin dans une équipe de France, même si elle reste hésitante sur sa spécialité.
Son parcours, elle le doit aussi à des personnes qui lui ont accordé sa chance. Comme le doyen d’alors de la faculté de Nice qui a permis des aménagements du cursus. Elle regrette que contrairement aux pays anglo-saxons, nombre de lycéens français ne soient tout simplement pas en capacité de poursuivre leur double cursus sport-études dans le supérieur. Et beaucoup de talents disparaissent. À cause d’un préjugé bien français : « On ne peut pas être à la fois la tête et les jambes ».
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