Pour les médecins généralistes, les années se suivent et se ressemblent un peu… Du moins en apparence. Selon les toutes premières statistiques délivrées par l’Union Nationale des Associations Agréées (UNASA), les généralistes affiliés à ses AGA ont en effet terminé l’année 2014 avec un bénéfice en progression de 2,8%, identique donc à l’évolution constatée en 2013. À bien y regarder, 2014 a pourtant été moins généreuse que 2013 pour l’évolution des recettes des médecins de famille : + 2,2% seulement contre + 3,4% lors de l’exercice précédent.
Et si, au final, l’évolution du résultat est le même, c’est donc d’abord du fait d’une progression moindre des charges par rapport à l’exercice précédent. En 2014, le généraliste a en effet conservé en moyenne 57,5% de son chiffre d’affaires en bénéfice et cela faisait au moins trois ans qu’on n’avait pas relevé un aussi bon ratio, alors que, les années précédentes, les cabinets de médecine générale glissaient sur la pente savonneuse de la croissance des frais…
La petite hausse des recettes observée dans les cabinets l’an passé explique le reste de l’augmentation (lire l'entretien avec Bechir Chebbah, président de l'UNASA). Effet volume ? A priori pas tant que ça, si l’on se réfère au bilan 2014 des dépenses de la Cnamts : l’activité des généralistes ayant globalement baissé (1,4%) cette année-là. Du moins collectivement car la crise démographique doit tout de même avoir entraîné un surcroît de travail dans les cabinets. Mais il faut plutôt regarder l’évolution tarifaire pour expliquer 2014. Début janvier, l’Assurance Maladie relevait une progression de 3% du poste généraliste sur 2014 qu’elle justifiait par l’effet des revalorisations de l’avenant n°8 : de fait, l’an passé, le forfait médecin traitant adulte a joué en année pleine (contre une demi-année en 2013), la MPA a été étendue chez les plus de 80 ans, la prime ROSP était en hausse d’environ 15%.
Les spés renouent avec la croissance
2014 n’a pas été si différente dans les autres spécialités qui, dans l’ensemble, ont même repris quelques couleurs après un exercice 2013 pas folichon : alors que la plupart des disciplines étaient dans le rouge cette année-là, la majorité sont dans le vert désormais. On relève de belles progressions de bénéfice chez les rhumatologues (+6,3%), gastro-entérologues (+5,7%) et pneumologues (+5,2%), des hausses plus modestes, mais tout de même supérieures aux généralistes chez les cardiologues, endocrinologues et ORL. Seuls gynécologues et psys font grise mine avec des évolutions négatives – et ce pour la deuxième année consécutive – de même que les radiologues victimes de mesures de baisse de leurs tarifs, 200 millions d’euros ayant ainsi été programmés sur trois ans.
[[asset:image:6021 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Cette enveloppe devait d’ailleurs gager les revalorisations accordées dans d’autres spécialités comme prévu dans l’avenant n°8. En 2013, ces coups de pouce n’avaient joué que sur une demi-année. En 2014, l’effet tarifaire semble plus important chez les spés qui (comme les généralistes) bénéficient de la MPA et d’une extension des possibilités de coter C2, certaines majorations plus spécifiques étant aménagées, par exemple pour les pédiatres. Parallèlement, la hiérarchisation des actes techniques a continué de poursuivre ses effets (la deuxième étape étant intervenue en mars 2014), se traduisant par une revalorisation des « actes gagnants », notamment en chirurgie, dermatologie, endocrinologie, gynécologie-obstrétrique, ORL, pneumologie et rhumatologie.
Cet effet prix n’explique pas tout de la meilleure fortune des spés l’an passé. À bien y regarder, il a joué, mais modérément. Sur 2014, la Cnamts ne fait d’ailleurs état que d’une hausse assez modeste de 1,7% du poste spécialistes : ni plus ni moins qu’en 2013. En revanche, on observe – comme pour les généralistes – que leurs charges ont progressé moins vite qu’en 2013. Et, de fait, quand on regarde les comptes de résultats des différentes disciplines, les recettes augmentent nettement moins vite que les bénéfices en 2014, signe que cette pause sur les charges est à peu près générale. Avec, tout de même, quelques exceptions chez les anesthésistes, les psychiatres ou les gynécos.
Une hiérarchie des revenus qui ne bouge guère
Au total, la hiérarchie des revenus médicaux ne ressort pas bouleversée de cet exercice 2014. Les 18 522 médecins généralistes affiliés à l’UNASA ont perçu l'an passé 83 935 € de bénéfice (pour 154 273 € d’honoraire). En 2014, la médecine générale se situe dans la fourchette des spécialités à dominante clinique. Elle creuse l’écart avec l’endocrinologie, la psychiatrie et la pédiatrie, trois disciplines respectivement à 47, 65 et 68 K€. Elle dépasse, mais d’une courte tête, la dermatologie (autour de 77,5K€) et la rhumatologie (83,8 K€). L’écart, en revanche, demeure conséquent avec les disciplines à dominante technique : la pneumologie (94K€), l’ORL libérale (96,5K€), la gastro-entérologie (110 K€), ou la cardiologie de ville (121 K€), l’ophtalmologie (147 K€) et, bien sûr, l’anesthésie-réanimation (169,5 K€).
Globalement, on retiendra aussi que les revenus d’un généraliste sont nettement inférieurs à ceux perçus par un dentiste (92 K€), mais représentent le double de ce que touche un kiné (41 K€). Tout cela est vrai bien sûr si l’on s’attache aux moyennes. Car le premier quartile de la profession ne vit qu’avec à peine 37 K€ de revenus alors que les 25% les mieux honorés dépassent les 140 K€. Un généraliste du Gers a pu compter sur 108 000 €, pendant que son confrère des Bouches-du-Rhône a dû se contenter d’un peu plus de 67 000 €.
Cliquer sur les repères pour voir le bénéfice moyen dans le département : en blanc (de 69K€ à <80 K€); en jaune (de 80 K€ à < 90 K€), en bleu (de 90 K€ à < 100 K€), en vert (de 100 K€ à 115 K €), en gris (données non communiquées)
Des signaux contradictoires pour l’année 2015
Pour les plus pauvres comme pour les riches de la profession, l’année 2015 sera-t-elle plus faste ? Les signaux sont contradictoires. D’un côté, l’activité du début de l’année a été soutenue avec une épidémie de grippe d’une ampleur exceptionnelle (près de 3 millions de consultations de la mi-janvier à la mi-mars). De l’autre, la machine à revalos semble complètement en panne avec un C bloqué comme jamais et la fin de l’effet avenant n°8. Par rapport à 2014, seule la prime ROSP a été un peu plus conséquente qu’en 2014. Tout dépendra donc de l’épidémiologie du second semestre. Car il ne faut pas compter sur le nouveau forfait médecin traitant enfant qui attendra sûrement 2016, comme d’ailleurs sur les négociations tarifaires et conventionnelles que la Sécu ne compte pas démarrer avant le début de l’année prochaine…
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