La Cour des comptes, qui rendait public ce mercredi, un rapport sur l’avenir de l’assurance maladie, estime que le système de santé français, malgré des qualités, connaît de grosses lacunes. Mortalité infantile, tabagisme, alcoolisme, usage de drogues, inégalités sociales de santé sont notamment pointés du doigt. Mais surtout, les magistrats de la rue Cambon estiment que le système français dépense beaucoup et parfois de façon inefficace. Pour assurer l’équilibre économique de l’assurance maladie face à l'envolée attendue du coût des maladies chroniques liée au vieillissement de la population, la Cour des comptes a donc établi une série de recommandations très offensives.
La convention comme arme de coercition
Sur l’accès aux soins, la Cour des comptes constate que, ni l’augmentation du numerus clausus, ni les mesures incitatives, n’ont donné de résultats probants. Elle propose donc de mettre en place un conventionnement sélectif des professionnels de santé selon les besoins des territoires. Le conventionnement serait aussi subordonné à un respect des règles des dépassements d’honoraires et à une recertification périodique, que la Cour des comptes juge nécessaire pour améliorer la qualité et sécurité des soins.
Face à l'inefficacité des mesures incitatives et des quotas de formation, la @Courdescomptes suggère le conventionnement sélectif des médecins libéraux pic.twitter.com/wQgVsV9KZU
— AmandineLeBlanc (@Amandine_LBlanc) 29 novembre 2017
« Il n'est pas anormal que les pouvoirs publics puissent peser sur la répartition des professionnels de santé », juge Antoine Durrleman, auteur principal du rapport. D'autant plus que la Cour considère qu'au niveau des médecins il s'agit « moins d'un problème d'effectif global que de répartition ». Un état des lieux qui justifie pour Antoine Durrleman de loger tout le monde à la même enseigne. « Il est assez paradoxal de voir en France un système à deux vitesses », explique-t-il, faisant ainsi référence aux infirmiers et kinés qui sont eux déjà soumis à des règles de conventionnement sélectif.
De plus, face à l’augmentation de la part des assureurs privés dans les remboursements de soins, elle recommande soit de mieux répartir les domaines de soins entre couverture obligatoire et complémentaire, soit de mettre en place un « bouclier sanitaire ». Dans cette option, les dépenses de santé seraient prises en charge à 100 % par l'assurance-maladie au-delà d’un certain seuil qui n'est pas précisé. Une idée pas nouvelle mais qui n'a jamais trouvé preneur dans les gouvernements successifs. « Je ne pense pas que ce soit une idée ringarde, estime Didier Migaud, président de la Cour des comptes. Il y a des pays où cela se fait et fonctionne, c'est pourquoi nous le reproposons. »
Rémunération contre PDS
Réduire le gâchis financier passe aussi par une meilleure organisation ville-hôpital. Pour désengorger les urgences, la Cour des comptes propose de conditionner une partie des rémunérations des médecins au développement de la permanence des soins, à l’extension des horaires d’ouverture et à la réponse aux soins non programmés. À l’entrée des urgences, elle suggère aussi de mettre en place une régulation médicale indépendante de l’hôpital. L’idée de la tarification au parcours de soins et à l’épisode de soins est également défendue. Cette recommandation fait écho à la volonté du gouvernement et de la CNAM d’étudier cette forme de rémunération.
Une « réserve prudentielle » pour réduire les tarifs
Agnès Buzyn devrait également apprécier le souhait exprimé par la Cour de donner la priorité à la prévention. Prise en charge de l’éducation thérapeutique ou de l’activité physique, intégration de la prévention dans les parcours de soins des patients, la Cour des comptes veut augmenter « significativement » les forfaits et notamment la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) des professionnels de santé. Pour contenir les dépenses de santé, la Cour des comptes souhaite s’inspirer de l’exemple allemand, et mettre « sous enveloppe régionale les rémunérations des médecins libéraux de façon à limiter le nombre d’actes réalisés et de prescriptions ».
L’échelon régional doit d’ailleurs pour l’institution, être davantage privilégié au niveau du pilotage financier. Ainsi elle propose que le Fonds d’intervention régionale (FIR) ait lui aussi un objectif des dépenses régional pluriannuel, objectif différencié selon les régions par rapport aux offres et aux besoins, et flexible entre les secteurs de soins.
Au niveau financier, la Cour des comptes recommande par ailleurs une règle d’équilibre de l’assurance maladie. Et pour l’Ondam, elle veut mettre en place pour les soins de ville une « réserve prudentielle » permettant de réduire les tarifs ou suspendre les augmentations tarifaires en cas de non-respect de l’objectif prévisionnel de dépenses. Enfin pour « renforcer la cohérence » de l’action de l’État et de l’Assurance maladie, le rapport suggère de créer une Agence nationale de santé.
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